FOOTBALLCoupe du monde 2022: Comme en hand, le Qatar peut-il se créer une équipe de foot compétitive?

Coupe du monde 2022: Comme en hand, le Qatar peut-il se créer une équipe de foot compétitive?

FOOTBALL«Son» Mondial est dans sept ans…
Bertrand Volpilhac

B.V.

Vendredi vers 18h, le Qatar pourrait définitivement entrer dans l’histoire du sport. Favorite de sa demi-finale face à la Pologne, la sélection de l’Emirat peut s’offrir sa première finale mondiale dans un sport majeur, le handball. Un tournant pour une nation en recherche désespérée de reconnaissance et de crédibilité, sept ans avant d’organiser le Mondial de foot, le pinacle de toute sa politique de développement géopolitique par le sport. Rendu possible par la naturalisation massive, récente et onéreuse de plusieurs joueurs dans l’équipe de hand, un tel exploit risque d’être beaucoup plus compliqué au foot.

D’abord parce que les règles de naturalisation des joueurs ne sont pas les mêmes. La Fifa est beaucoup moins permissive que l’IHF. «Pour changer de nationalité sportive, il faut soit être né sur le territoire du nouveau pays, avoir une ascendance familiale – parents ou grands-parents biologiques – ou avoir vécu cinq ans consécutivement sur le territoire, détaille Me Redouane Mahrach, avocat en droits du sport. Avec la contrainte absolue de ne jamais avoir joué pour une autre sélection en match officiel.» Autant dire qu’un cas comme celui de Daniel Saric, le gardien bosnien du Qatar, naturalisé juste avant le mondial en octobre, est totalement impossible en foot.

De jeunes de 13 ans

La règle des cinq ans sur le territoire incite les dirigeants qatariens à changer leur plan. «Aujourd’hui, ils financent des écoles un peu partout dans le monde, et notamment en Afrique, pour ramener au Qatar des bons jeunes dès l’âge de 13 ans» décrit Abdeslam Ouaddou, ancien défenseur de Ligue 1, passé deux saisons par le championnat du Qatar. Un programme présenté comme humanitaire qui pourrait permettre à l’équipe nationale de s’appuyer sur plusieurs d’entre eux à l’avenir.

De plus, la politique de la retraite dorée est terminée. Autorisé à recruter quatre étrangers par club dans son championnat, le Qatar ne cherche plus à attirer des vieilles gloires sur le déclin mais plutôt des jeunes non internationaux – et considéré chez eux comme pas forcément très prometteurs - susceptibles de s’installer durablement au pays. C’est le cas du jeune franco-algérien Karim Boudiaf (23 ans), formé à Nancy mais parti à 18 ans à Lekhwiya (club de Doha) et désormais milieu de terrain de la sélection du Qatar. «C’était le projet du club de me naturaliser dès le départ, explique-t-il dans une interview donnée à la Gazette du Fennec. J’ai accepté jeune ce choix de faire ma vie ici et je ne le regrette pas.»



«Ne pas être ridicule en 2022»

«Au bout de cinq ans ils sont assimilés, c’est moins choquant, juge Ouaddou. Mais le fond n’en reste pas moins discutable.» Le problème, c’est que le Qatar, tout juste éliminé en poules de la Coupe d’Asie des Nations avec trois défaites, n’a pas vraiment le choix. Malgré des éducateurs de haut niveau recrutés en Europe occidentale, la formation des jeunes natifs de l’Emirat ne fonctionne pas. «Les formateurs m’expliquaient qu’ils avaient le défaut d’être nés avec une cuillère d’argent dans la bouche, explique l’ancien défenseur. Avec toutes les rentes, les avantages, les gamins se baladent en Porsche Cayenne à 16 ans. Alors quand on lui demande de se surpasser, il ne sait pas ce que veut dire. Il faut avoir faim de football.»

Le résultat, c’est qu’il se «peut se passer 10, 15 ou 20 ans sans qu’ils n’arrivent à sortir un grand joueur, sauf miracle» poursuit Ouaddou. Et qu’il est donc très probable qu’en 2022, le Qatar présente effectivement une sélection Babel, «dont deux ou trois locaux pour faire bonne figure». Et qu’avec toutes ces contraintes, elle soit bien loin de pouvoir concurrencer les pays européens, à la différence du hand. «Ce n’est pas leur objectif conclut Ouaddou. Ce qu’ils veulent, c’est juste de ne pas être ridicule.»