Mondiaux en petit bassin: L’avènement de Florent Manaudou, le Michael Phelps français
NATATION•Le nouveau patron du sprint a régné sur les Mondiaux de Doha…B.V. et L.B, à Marseille
Une moue dubitative et des yeux rieurs traduisent sa surprise. Sans forcer, presque sans faire exprès, Florent Manaudou a explosé de près d’une demi-seconde (22"22) samedi le record du monde du 50 mètres dos en petit bassin, un jour après avoir battu celui du 50 mètres nage libre. Ce n’est pas qu’il n’imaginait pas pouvoir battre la marque de Peter Marshall (22"61), établie en 2009, mais le spécialiste de la discipline Camille Lacourt l’avait refroidi avant la course, comme il le raconte dans l’Equipe: «Espèce de trompette, tu veux avoir le record du monde alors que t’en as fait trois dans ta vie?».
«Je me trouve un peu gras»
Absolument. En deux coulées et sans s’en rendre compte. «Je ne m’attendais vraiment pas à ça, je voulais juste gagner, j’avais l’impression d’aller aussi vite en dos qu’en crawl», en rigole-t-il. A Doha, Manaudou le surdoué a volé sur l'eau toute la semaine. Rien de surprenant. «Florent a toujours eu des qualités au-dessus de la moyenne, notamment physiquement, témoigne Denis Perret, président du comité de natation du Lyonnais, qui l’a vu débuter. Rien qu’après le départ il sortait dans l’eau avec 1,50m d’avance. Mais il avait tendance à se reposer là-dessus.»
Ce qui peut expliquer son explosion «tardive». Certes, il n’était pas bien vieux quand il est devenu à 22 ans champion olympique surprise du 50 mètres nage libre à Londres, en 2012, mais cela ne faisait qu’un an qu’il avait rejoint la structure très côtée de l’entraîneur Romain Barnier à Marseille et mis au travail son mètre 99 et ses 102 kilos. Un «physique parfait» pour ce sport, assure l’intéressé dans l’Equipe, même s’il se trouve «un peu gras» - ce que ne partagent sans doute pas les annonceurs qui ont fait de son torse de mannequin un argument de vente. «Florent avait toutes les dispositions, tant physiques que mentales, et avec le travail il a fait des progrès d’une grande rapidité ici, confie Paul Leccia, président du Cercle des nageurs de Marseille. C’était déjà un diamant, il a fallu le façonner mais il comprend tout à une vitesse folle.»
«S’il était footballeur, ce serait Zidane»
Deux ans plus tard, le voilà meilleur sprinteur du monde. Et ce n’est pas sa courte défaite contre le Brésilien Cielo en finale du 100 mètres dimanche qui changera ça. «Il est dans la même trempe que Michael Phelps, assure Leccia. Il est dans le gotha des meilleurs sportifs français voire mondiaux. Si Manaudou était un footballeur, ce serait Zidane.» Même si question notoriété, il passe encore derrière son illustre sœur Laure. «Les titres en championnats d’Europe ou du monde, ça ne reste pas sur une carte de visite, conclut Perret. Pour devenir une grande star, il faut qu’il soit de nouveau champion olympique à Rio.» Pour l’instant, il est dans les temps.