Alain Boghossian: «A Naples, les gens se privent de manger pour aller voir le match»

Alain Boghossian: «A Naples, les gens se privent de manger pour aller voir le match»

FOOTBALL – L’ancien joueur de l’OM et du Napoli, compare les deux villes avant le match de Ligue des champions de mercredi…
Propos recueillis par Romain Scotto

Propos recueillis par Romain Scotto

A un an d’intervalle, il a connu les deux clubs. Au milieu des années 90, juste après l’affaire VA-OM, Alain Boghossian n’était pas encore champion du monde, mais un simple milieu récupérateur prometteur quand les dirigeants marseillais l’ont vendu au voisin napolitain. Actuellement à la recherche d’un club, après une expérience dans le staff des Bleus, il évoque son souvenir de deux villes, pas loin d’être jumelles…

Comment s’était passé votre transfert de Marseille à Naples à l’été 1994?

L’OM descendait en L2 (sur décision administrative, après l’affaire VA – OM). Il fallait renflouer les caisses de l’OM. L’opportunité s’est présenter d’aller jouer dans le plus grand championnat au monde. Ça a mis du piment dans ma carrière et un peu de beurre dans les épinards à l’OM. A Marseille, cette année-là, on nous a tout supprimé, la Ligue des champions, la Coupe Intercontinentale. C’était une désillusion pour beaucoup de joueurs. Mais pour moi, c’était mes premiers pas en première division avec un grand président (Bernard Tapie). J’ai vibré à ma façon cette année-là.

Et là, vous découvrez donc le «Marseille italien»…

Exactement. Ce sont deux villes et deux clubs très similaires par rapport à l’engouement des supporters. Ce sont des villes de football, où on vibre par rapport à son équipe. A Naples, les gens peuvent se priver de manger la semaine pour aller voir le match de football. C’est une religion. A Marseille on est peut-être un brin en-dessous, mais on est fanatique quand même. Quand on est supporters, on l’est à 200%. Marseille, c’est exceptionnel aussi.

Où ressentiez-vous le plus cette pression des supporters?

A Naples, c’est plus important. C’est vraiment quelque chose de particulier. Vous ne pouvez pas sortir dans la rue sans être approché, adulé. Même à mon, époque, c’était déjà particulier. Alors aujourd’hui, avec une équipe au sommet en Serie A et en Ligue des champions… Contre Dortmund, on a vu 80.000 supporters déchaînés sous la pluie. C’est particulier.

Que retenez-vous de l’ambiance du stade San Paolo?

San Paolo, c’est grandiose. Même s’il y a la piste d’athlétisme autour du stade. Il y a quelque chose de spécial. Une atmosphère impressionnante. J’ai le souvenir d’une qualification pour une finale de Coupe d’Italie où on vibrait avec de public. Il nous le rendait bien. Les supporters se démultiplient au fur et à mesure que le match avance. On peut, en tant que joueur, se surpasser grâce à eux. Le public nous demande ce minimum de mouiller le maillot et d’être à la hauteurOn est obligé d’être à 200%. Le public est tellement derrière vous qu’après, dans la rue, vous savez que vous allez l’affronter. A moins de se cloîtrer chez soi. A Marseille, un joueur peut quand même se balader, aller au restaurant. A Naples, ce n’est pas possible.

Vous avez eu des problèmes pour sortir?

Non, moi je n’avais aucun problème parce que j’étais à 200%. Ils m’ont toujours aimé pour cela. A chaque fois que je vais là-bas, je suis encore aimé par les supporters. A l’époque, j’habitais Via Petrarca, sur la colline de Posillipo.

Lequel des deux clubs réserve le meilleur accueil aux anciens?

Malheureusement, j’ai l’impression que les anciens sont plus respectés à l’étranger qu’en France. En France, peu de clubs suivent les anciens joueurs. En Italie, c’est vraiment quelque chose d’ancré. Il y a aussi l’effet Maradona qui joue beaucoup à Naples.

Ce sont aussi deux villes d’immigration. Comment les étrangers y sont-ils perçus? Il y a souvent des problème de racisme dans les stades italiens…

Non. Pas à Naples. Il y a beaucoup plus de villes dans le nord qui sont plus racistes. Il y a beaucoup de religions différentes. Les Napolitains sont des sudistes, très ouverts. Ce n’est pas comme à Vérone, ou des endroits où les gens sont énormément racistes. Nous, on avait des joueurs étrangers, encouragés par les supporters. Tant qu’ils se donnent cœur et âme pour le maillot.