Cancers de la peau: Faut-il interdire les cabines UV?
SANTE•C'est la solution prônée par les docteurs Jean Civatte et Jacques Bazex, de l'Académie nationale de médecine dans le dernier Bulletin épidémiologique hebdomadaire. Mais pour les professionnels du bronzage en cabine, ce n'est pas la bonne réponse...Bérénice Dubuc
Les cabines à U.V. doivent-elles être interdites pour enrayer l’augmentation du nombre de cancers de la peau en France? C’est ce que prônent les docteurs Jean Civatte et Jacques Bazex, de l'Académie nationale de médecine, dans l’éditorial du dernier numéro du Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH). Constatant «l’échec» de toutes les campagnes d’information et de prévention sur le sujet, les Dr Civatte et Bazex rappellent que «les rayons ultraviolets artificiels, particulièrement ceux qui sont émis en cabine de bronzage, sont classés dans la catégorie la plus élevée parmi les agents cancérogènes».
Dans le même BEH, consacré à la thématique du bronzage artificiel, Mathieu Boniol et Pascal Empereur-Bissonnet, de l’Institut de veille sanitaire (INVS), écrivent en effet que près de 5% des mélanomes cutanés diagnostiqués en France (347 cas annuels) sont attribuables à l’utilisation des cabines de bronzage. Ils ajoutent qu’«entre 566 et 2.288 décès peuvent être attendus dans les trente prochaines années si les expositions des Français aux cabines UV ne changent pas», soit un bilan comparable aux décès attribués au Médiator, soulignent-ils.
Une «réglementation peu contraignante»?
Les Dr Civatte et Bazex fustigent ensuite le lobby des professionnels du bronzage, qui orchestre «une promotion commerciale agressive de leur activité (…) sans hésiter à contredire les données scientifiques les plus solides sur la dangerosité des rayons UV artificiels», encadrée par «une réglementation peu contraignante».
Pour Régine Ferrer, présidente de la Confédération nationale de l'esthétique parfumerie (CNEP), qui englobe le Syndicat national des professionnels du bronzage en cabine (SNPBC), rien de nouveau dans cette publication qui ne fait que «stigmatiser une profession». «Ces chiffres ne sont pas nouveaux, et, plus grave, alors qu’un article du BEH parle de 347 cas diagnostiqués par an, il indique en même temps qu’il ne faut pas prendre les chiffres au pied de la lettre».
«Rôle pédagogique»
Pour elle, ce sont donc «des résultats prétendument scientifiques irrecevables. Ces chiffres ne sont pas avérés, si c’était le cas, nous serions capables de les écouter.» De plus, «dire que la réglementation française est peu contraignante est d’une stupidité sans nom. La France a la réglementation la plus contraignante au monde en la matière (interdiction aux mineurs, déclaration des machines en préfecture, contrôles, formation), et est même prise comme modèle pour la réglementation européenne en cours de construction», s’indigne Régine Ferrer.
La présidente de la Cnep souligne que les opérateurs de cabines U.V. «respectent la loi» et souhaitent «avoir une démarche coopérative avec les dermatologues plutôt que ce genre de confrontation». Elle rappelle le «rôle pédagogique» des opérateurs, et les propositions que la Cnep souhaite voir mettre en oeuvre pour renforcer la sécurité des consommateurs (renforcement de l’information aux usagers, interdiction des formules illimités…).
«Le bronzage, c’est comme le vin. Si l’on en boit un verre par jour, on est en pleine forme, si l’on en boit trois litres, c’est la cirrhose», indique Régine Ferrer, soulignant qu’«il faut être conscient que le consommateur est libre de son choix, et que personne ne pourra lui faire faire autrement s’il l’a décidé».