Quand le tabac flambe en France, le commerçant d'Andorre se frotte les mains
•La hausse du prix du tabac en France est toujours une bonne nouvelle pour le commerce de cigarettes dans la principauté d'Andorre, royaume de la détaxe au coeur des Pyrénées, prisé par les habitants du Sud-Ouest.© 2011 AFP
La hausse du prix du tabac en France est toujours une bonne nouvelle pour le commerce de cigarettes dans la principauté d'Andorre, royaume de la détaxe au coeur des Pyrénées, prisé par les habitants du Sud-Ouest.
A l'office du tourisme de Pas-de-la-Case, une localité de 3.000 habitants qui est la première en Andorre sur la route du visiteur venu de France, on a déjà constaté un afflux supplémentaire de touristes au cours des deux derniers week-ends. La hausse de 6% du coût du tabac est entrée en vigueur lundi de l'autre côté de la frontière.
"Ca a très bien marché. Il n'y avait pas que des 31 (Haute-Garonne) et des 09 (Ariège), les voitures venaient parfois de très loin", souligne Nelson Pinto, employé de l'office.
"On ne va pas se plaindre que ça augmente en France", renchérit Arnaud, vendeur dans un des nombreux supermarchés qui proposent au chaland cigarettes et alcools. Lui aussi évoque un afflux inhabituel de visiteurs au cours du week-end.
"C'est vrai que les augmentations du prix du tabac en France rendent toujours plus intéressants les achats de cigarettes" dans la principauté de 70.000 habitants enclavée entre France et Espagne, confirme David Fraissinet, un des responsables de la Fédération des associations de commerçants andorrans.
"Si le différentiel des prix du tabac andorran avec l'Espagne est de 30%, il est deux fois supérieur avec la France, ce qui est très attractif". Et la nouvelle hausse ne peut que "booster les ventes", poursuit-il.
Depuis lundi, un paquet de Marlboro (les plus vendues en France) coûte 6,20 euros en France alors qu'il est à 2,70 euros en Andorre. Soit une économie de 35 euros sur une cartouche.
Mais Andorre ne vit "pas que de la vente de cigarettes", souligne M. Fraissinet. "Le différentiel est également intéressant s'agissant de l'électronique, de la mode et des cosmétiques" et il arrive que des touristes venus pour acheter une cartouche s'arrêtent aussi ailleurs, explique-t-il.
D'après une enquête du département des statistiques du gouvernement andorran d'avril 2011, près de 48% des touristes (9,8 millions entre mai 2008 et avril 2009, derniers chiffres disponibles) viennent en Andorre pour y effectuer des achats.
La réforme de la fiscalité qui s'annonce pour 2012 ou 2013 en Andorre, avec l'entrée en vigueur d'un impôt sur les sociétés et d'une taxe sur la valeur ajoutée, ne devrait pas changer cet état de fait, de l'avis des professionnels: ces impôts remplaceront les taxes indirectes actuellement en vigueur.
Mais pour Jean-Jacques Carrié, président de l'association "Initiative Pas-de-la-Case" qui regroupe les commerçants du village, Andorre doit miser sur autre chose que les différentiels de prix, en particulier le prix "d'un produit néfaste pour la santé" comme le tabac.
Avec la crise qui sévit depuis 2008 dans la principauté, dans le sillage des difficultés économiques de l'Espagne, "on doit valoriser notre patrimoine naturel et culturel, notre station de ski, nos activités sportives" pour attirer davantage de touristes, dit-il. "Avant, on faisait le plein avec les différentiels de prix. Mais ça ne suffit plus".
En attendant, les buralistes français souffrent. D'après Gérard Vidal, président des débitants frontaliers et de Midi-Pyrénées, 5.000 bureaux de tabac ont fermé depuis 2003, dont environ 1.500 dans les Pyrénées, entre Perpignan et Ciboure. "Le bureau de tabac, c'est souvent le dernier commerce de proximité dans le monde rural", se lamente-t-il.
Cependant, plus que la concurrence d'Andorre, d'où les Français ne peuvent rapporter qu'une cartouche et demi chacun et où les contrôles douaniers sont fréquents, Gérard Vidal dénonce celle des débitants espagnols, et réclame une "harmonisation des prix du tabac au sein de l'Union européenne".