INTERVIEW Jack Lang : «Une vraie politique de la terre brulée qui sacrifie l'avenir de nos enfants»

Jack Lang : «Une vraie politique de la terre brulée qui sacrifie l'avenir de nos enfants»

INTERVIEWDans un ouvrage au vitriol qui parait jeudi, l'ancien ministre de l'Education, Jack Lang, fustige la politique éducative menée depuis 2007...
Propos recueillis par Delphine Bancaud

Propos recueillis par Delphine Bancaud

La principale critique de votre ouvrage porte sur la destruction massive de postes dans l’Education nationale. Cette dernière aurait-elle dû être exclue de la RGPP (révision générale des politiques publiques)?

Oui, bien sûr. En 2007, j’ai d’ailleurs écrit une lettre manuscrite à Nicolas Sarkozy le conjurant de sanctuariser l’école. Il a suivi ce sage conseil pour l’enseignement supérieur, mais pas pour l’enseignement scolaire. Cette politique à la hache a abouti à la destruction de 160.000 contrats ou postes depuis 2002. Les enseignants n'ont pas été les seuls touchés, car de nombreux emplois de conseillers d'éducation, d'infirmiers scolaires, d'assistantes sociales, d'auxiliaires de vie scolaire ont également été supprimés. Une vraie politique de la terre brulée qui sacrifie l'avenir de nos enfants !

Mais comment réduire le déficit public si l’on ne met pas à contribution le ministère qui représente le plus gros budget de l’Etat?

Quand j’étais ministre de l’Education en 1992, notre pays traversait une période de récession. Malgré un plan de rigueur, le gouvernement de l’époque avait épargné l’Education nationale et la recherche. Car gouverner, c’est choisir. Nicolas Sarkozy a quant à lui, préféré procéder à des exonérations fiscales massives et baisser la TVA dans la restauration, qu’investir pour l’avenir, en préservant l’éducation.

Vous dénoncez des «années d’improvisations, de mensonges, de mesures inefficaces et parfois dangereuses», aucune réforme de Darcos et Chatel n’a-t-elle trouvé grâce à vos yeux?

Mon diagnostic porte sur l’essentiel de leur action. Mais quelques mesures particulières mises en œuvre ces dernières années sont à saluer, comme la création d’internats d’excellence, l’augmentation de la rémunération des enseignants débutants, l’instauration de stages de langues l’été pour les lycéens… Reste que ces mesures ne touchent qu’un petit nombre d’élèves.

Vous critiquez la mastérisation qui a privé les enseignants d’une formation pratique, selon vous. Et vous demandez la création d’une école supérieure de formation des maîtres. Qu’elle serait sa différence avec les ex- IUFM?

La mastérisation a conduit à la suppression de l’année de préparation pratique des futurs maîtres. Certes, les IUFM devaient être réformés, mais il ne fallait pas les détruire. Je prône désormais la création d’une école supérieure de formation des maitres qui offrirait une double formation, intellectuelle et professionnelle et aurait des antennes dans chaque académie.

Comment redonner envie aux jeunes de devenir enseignants, puisque le nombre de candidats au Capes chute?

Je ne suis pas surpris de ce phénomène car les enseignants se sentent déconsidérés. Il faut redonner la passion de l’école, en la remettant au cœur des priorités du pays, ce qui fera automatiquement naître des vocations.

Vous montrez que les inégalités sociales se creusent et que le système favorise les meilleurs élèves. Mais Xavier Darcos a quand même mis en œuvre l’aide personnalisée pour les élèves en difficultés…

Oui, mais ces heures de soutien sont données à midi ou le soir, quand l’enfant est déjà fatigué. Ce n’est pas une réussite. C’est à l’intérieur de la classe qu’il faut aider l’élève.

Vous dénoncez aussi le manque de continuité dans l’action politique, notamment concernant les rythmes scolaires. Que proposez-vous dans ce domaine?

En effet. Il faut rappeler que Darcos a d’abord supprimé les cours le samedi matin et que Luc Chatel, comprenant que cette mesure avait contribué à alourdir la journée des élèves, a décidé de revoir l’organisation de la semaine scolaire qui ne devrait pas intervenir avant la rentrée 2013… lorsque Luc Chatel ne sera plus ministre! Je pense que la semaine de 4 jours est une aberration et chacun sait ce qu’il faut faire: rétablir une matinée de cours et réduire les vacances d’été. Mais cette réforme réclame du courage…

Pensez-vous que l’éducation sera un thème fort dans la campagne?

Il sera même central. J’ai donc décidé d’entamer dès le 4 septembre un tour de France pour rencontrer les différents acteurs de l’éducation. Et j’ai également lancé un site www.jacklang.free.fr qui sera un lieu de débat sur l’école. J’échafauderai ensuite un plan pour l’école que je soumettrai en janvier aux candidats à la présidentiel.