Cocaïne : le Pérou rattrape la Colombie après avoir baissé la garde

Cocaïne : le Pérou rattrape la Colombie après avoir baissé la garde

Le Pérou a rattrapé et selon certains calculs supplanté la Colombie ...
© 2011 AFP

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Le Pérou a rattrapé et selon certains calculs supplanté la Colombie en tant que premier fournisseur mondial de cocaïne, après avoir baissé la garde pendant une décennie, laissant une bombe à retardement entre les mains du nouveau gouvernement qui prendra ses fonctions en juillet.

Le rapport 2011 de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) passe pudiquement sous silence la production 2010 de cocaïne du Pérou, qui était de 302 tonnes en 2008, au nom d'une "révision en cours des facteurs de conversion" de cultures de feuilles de coca en quantité de drogue.

Mais selon le rapport, en deux ans, ce pays andin est devenu le premier producteur de feuilles de coca, la matière première, en tonnage (119.000), et à présent quasiment en surface (61.200 ha). La Colombie (62.000 ha), a divisé sa surface cultivée par trois en dix ans. Au Pérou, elle a grimpé de 48%.

Le chef de l'organisme antidrogue péruvien Romulo Pizarro a indiqué à l'AFP que la production de cocaïne au Pérou était "évaluée" à 330 tonnes en 2010. Moins que la Colombie (350 tonnes selon l'ONUDC). Mais le Pérou n'a saisi que 30 tonnes en 2010, la Colombie plus de 100...

"En Colombie, les deux derniers gouvernements ont compris ce que l'on n'a pas compris ici : le trafic de drogue est un problème très grave pour la sécurité intérieure, la gouvernance, l'économie", estime Ruben Vargas, expert péruvien en drogue et sécurité.

Une "guerre" pourtant est livrée au Pérou. Dans les Vallées de l'Apurimac et de l'Ene (VRAE, sud), fief de coca dans une vaste région de montagne, 4.000 soldats et policiers jouent au chat et à la souris avec des centaines de guérilleros du Sentier lumineux impliqués dans le trafic de drogue et qualifiés de "narcoterroristes" par les autorités.

"Le Sentier lumineux est confiné sur environ 4.000 km2, il opère sur un terrain difficile, très accidenté, qui complique la tâche des forces armées", explique à l'AFP le général Luis Howell, chef d'état-major interarmes. Au moins, assure-t-il, la présence militaire garantit "paix et sécurité" dans les villes de la région.

Mais ce "confinement" a valeur d'échec : une soixantaine de militaires ou policiers tués dans des accrochages en trois ans, une culture de la coca qui continue de s'étendre. Le Pérou perd-il la guerre, ou se trompe-t-il de guerre ?

Le président sortant Alan Garcia a déjà dit que pour lui "c'est de la faute (des Etats-Unis) car ils ont mis tout l'argent en Colombie pour le Plan Colombie (contre le trafic), mais n'ont rien investi au Pérou".

Pour Hugo Cabieses, économiste spécialiste de la drogue et conseiller du président élu Ollanta Humala, l'erreur est justement "de voir le trafic uniquement comme un problème de sécurité, comme une guerre. Cela empêche une politique intégrée", qui inclue aussi un fort investissement de l'Etat dans des régions, comme le VRAE, parmi les plus sous-développées du Pérou.

Un doute pourtant entoure le futur président Humala, en raison des liens avérés de son parti nationaliste de gauche avec le monde des cultivateurs de coca : une culture légale au Pérou, à hauteur de 9.000 tonnes pour les usages traditionnels (mastication, thérapie), mais suspecte.

"Certains se demandent pourquoi il n'y pas tant de violences liées à la drogue au Pérou. C'est simple : parce que nous n'avons pas affronté le trafic de drogue", assène l'expert Ruben Vargas pour qui "c'est facile d'être trafiquant au Pérou".

"Quand on l'affrontera vraiment, les saisies augmenteront", pense-t-il, ajoutant que la corruption joue déjà à plein : "pourquoi croyez-vous qu'on ne saisit que 10% de la cocaïne produite ?", lance-t-il.

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