SOCIÉTÉPourquoi les faits-divers nous fascinent-ils autant?

Pourquoi les faits-divers nous fascinent-ils autant?

SOCIÉTÉus une histoire est macabre, plus l'audience des médias augmente...
La police devant la maison des Dupont de Ligonnes où quatre corps ont été retrouvés à Nantes.
La police devant la maison des Dupont de Ligonnes où quatre corps ont été retrouvés à Nantes. - Stephane Mahe / Reuters
Olivia Vignaud

Olivia Vignaud

Les faits-divers nous fascinent. Ils alimentent nos conversations, nous attristent, nous révoltent et parfois même font l’objet d’un mot douteux. Curiosité mal placée ou empathie exacerbée? Alors que le drame de Nantes, au cours duquel cinq membres d’une même famille ont été tués, fait la une des journaux et des sites Internet, la question mérite d’être posée.

Voyeurisme et empathie

«Cela peut relever du voyeurisme», concède Catherine Granaix, psychologue clinicienne. Le voyeurisme est une attitude qui consiste à regarder l’intimité d’une personne et en à en éprouver une certaine jouissance. «C’est un peu comme les gens qui ralentissent pour regarder les accidents sur la route», ajoute-t-elle.

Est-ce une attitude condamnable? A en croire une étude menée par des chercheurs écossais, cela serait inhérent à la nature humaine. «Le potin, et tout ce qui s’y apparente, est transmis de façon bien plus précise que le reste des informations que l’on peut s’échanger.» Concrètement, l’homme communique bien mieux dès qu’il raconte des histoires croustillantes. Si l’on suit ce raisonnement, parler de faits-divers nous permettrait de créer des liens.

L’intérêt porté à ces drames peut aussi être la marque d’une certaine empathie. Le fait-divers intéresse en tant que «phénomène social», explique Catherine Gramaux. Dans un article, le docteur Jacques Lecomte définit ainsi l’empathie émotionnelle: «Lorsque nous voyons quelqu’un souffrir, nous sommes nous-mêmes affectés.»

La part de responsabilité des médias

Les médias auraient aussi leur part de responsabilité dans cet intérêt quasi démesuré. «Il y a 25 ans, les faits-divers dépassaient rarement l’édition régionale», raconte Michel Mathien, professeur de sciences de l’information et de la communication au Cuej (école de journalisme de Strasbourg). «Les médias créent des feuilletons qui tiennent en haleine. Ils font tout pour intéresser. C’est encore plus efficace quand l’information est distillée petit à petit.»

Si les médias ne parlent que de ça, n’est-ce pas pour satisfaire la demande? «C’est un cercle vicieux!», s’exclame l’auteur de l’Economie générale des médias. «Et puis pendant ce temps là, on ne parle pas d’autre chose, ajoute-t-il. Les faits-divers ont un intérêt que s’ils conduisent à réfléchir sur des vrais problèmes de société. Malheureusement, cela prend souvent du temps.»