Notre-Dame-des-Landes: Les cinq questions que pose l’abandon du projet d’aéroport
SOCIETE•L’annonce ce mercredi de l’abandon du projet contesté d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique) laisse de nombreuses questions ouvertes…C.P. et F.H. avec AFP
L'essentiel
- L’abandon du projet Notre-Dame-des-Landes va entraîner le réaménagement de l’aéroport Nantes Atlantique et l’accompagnement du « développement de l’aéroport de Rennes-Saint-Jacques ».
- Les élus des collectivités pro-aéroport ne mâchent pas leurs mots : « déni de démocratie », « trahison », « capitulation ».
- Les zadistes ont fait savoir qu’ils refusaient toute expulsion.
La fin de cinquante ans d’atermoiements et de cinq années de crise ? Pas si sûr. En officialisant ce mercredi l’abandon du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique), le Premier ministre Edouard Philippe a mis fin au suspense qui planait depuis l’élection d’Emmanuel Macron. Mais cette décision, qui est loin de faire l’unanimité, soulève de nombreuses questions pour les semaines mais aussi les années à venir. 20 Minutes fait le point.
Quel avenir pour l’aéroport Nantes Atlantique ?
Exit Notre-Dame-des-Landes, place au « réaménagement » de l’aéroport de Nantes. « Dans un premier temps, l’aéroport de Nantes-Atlantique sera modernisé et les abords de pistes aménagés pour permettre à l’aéroport d’accueillir plus de passagers, a annoncé ce mercredi Edouard Philippe. En parallèle, la procédure pour l’allongement de la piste sera engagée, elle permettra de réduire les nuisances sonores à Nantes » a annoncé le Premier ministre qui a également promis « d’accompagner le développement de l’aéroport de Rennes-Saint-Jacques » et de renforcer la desserte des aéroports du Grand Ouest.
« Au total, je pense qu’en deux ans tout peut être réglé », juge un des élus partisans de cette option. Une version vivement contestée par les élus partisans de Notre-Dame-des-Landes, selon qui « on repart pour dix ans ».
Quel avenir pour la ZAD ?
« Nous mettrons fin à la zone de non-droit qui prospère depuis plus de dix ans sur cette zone » a assuré ce mercredi le Premier ministre. Dans sa ligne de mire, la fameuse de la « ZAD » cette vaste « zone d’aménagement différée » de 1.600 hectares, rebaptisée « zone à défendre » par les opposants au projet NDDL.
Première étape de ce démantèlement annoncé : la demande de prorogation de la déclaration d’utilité publique déposée au Conseil d’Etat fin décembre « sera retirée dès aujourd’hui » et « deviendra donc caduque le 8 février ». Le gouvernement souhaite que les terres retrouvent leur vocation agricole et que « les agriculteurs expropriés [puissent] retrouver leurs terres s’ils le souhaitent ».
Voilà pour la théorie. Reste l’épineuse question de l’évacuation des 95 « squats » illégaux recensés par les autorités sur la zone et de ses habitants : actuellement environ 150 personnes y vivent en permanence et 200 personnes la fréquentent régulièrement, selon une source policière.
« Les trois routes qui traversent le site […] doivent être rendues à la libre circulation pour tous, les squats qui débordent sur la route doivent être évacués, les obstacles retirés, la circulation rétablie. A défaut, les forces de l’ordre procéderont aux opérations nécessaires », a indiqué le Premier ministre qui a fixé aux « occupants illégaux » de ces terres un ultimatum au printemps prochain.
Un bras de fer violent avec les forces de l’ordre pourra-t-il être évité, comme lors de l’opération d’évacuation manquée « Cesar » de l’automne 2012 ? Rien n’est moins sûr. Mercredi, le « mouvement anti-aéroport » (zadistes compris) s’est engagé à « répondre lui-même » à la demande de réouverture de la route, dans un communiqué commun mais a refusé toute expulsion, affichant « sa volonté de prise en charge à long terme des terres de la Zad par le mouvement dans toute sa diversité ». « Pour le mettre en œuvre, nous aurons besoin d’une période de gel de la redistribution institutionnelle des terres. Dans le futur, ce territoire doit pouvoir rester un espace d’expérimentation sociale, environnementale et agricole », ajoutent les opposants qui dénoncent la présence de forces de l’ordre aux abords du site.
Quel manque à gagner pour Vinci ?
L’abandon du projet soulève aussi la question de l’indemnisation prévue pour Vinci [le groupe de BTP mandaté pour construire l’aéroport de Notre-Dame-des Landes] qui, selon le rapport remis à Edouard Philippe, pourrait aller jusqu’à 350 millions d’euros. Un point que le Premier ministre n’a pas évoqué ce mercredi.
Le contrat de construction de l’aéroport de Notre-Dames-des-Landes par Vinci est en « béton », avait pour sa part déclaré mardi son PDG Xavier Huillard, affirmant qu’aucune discussion sur une éventuelle compensation en cas d’abandon du projet n’était à l’ordre du jour. « En fonction de la décision [de l’Etat], il y a un temps qui probablement sera assez long, qui tirera les conclusions de cette décision », a conclu le PDG de Vinci.
Quelles conséquences pour les collectivités pro-NDDL ?
Les collectivités locales qui ont déjà versé 31 millions d’euros pour le projet de Notre-Dame-des-Landes ont réitéré leur refus de mettre un euro dans le réaménagement de l’aéroport Nantes-Atlantique. Le syndicat mixte aéroportuaire qui réunit les collectivités finançant le projet, dénonce un « coup de poignard pour le développement du Grand Ouest » et une « faute politique majeure » qui emmnène les habitants vers une « impasse ».
Les élus de ces collectivités ont réagi vivement à l’annonce gouvernementale. « Des habitants m’ont fait savoir qu’ils n’iront plus jamais voter », s’alarme le président du département de Loire-Atlantique (PS), Philippe Grosvalet. Pour la maire de Nantes (PS), Johanna Rolland, l’abandon du transfert de l’aéroport de Nantes Atlantique à Notre-Dame-des-Landes « bafoue clairement l’expression démocratique qui s’est exprimée le 26 juin 2016 [ 55% de oui à l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes]. Une majorité de citoyens s’est exprimée en faveur du transfert et 18 mois après l’Etat leur dit : “Votre vote ne compte pas !” C’est un véritable déni de démocratie. »
Bruno Retailleau, ancien président de région Pays de la Loire et sénateur LR pointe la « capitulation » d’Emmanuel Macron. « Désormais chacun sait qu’en France il suffit d’un chantage à la violence pour faire plier l’Etat ».
Quelles conséquences pour l’environnement ?
Un signal positif mais pas décisif. L’abandon du projet d"aéroport a été salué avec prudence ce mercredi par les écologistes qui se sont battus pendant des années contre le projet dénonçant son impact sur la biodiversité, l’étalement urbain ou la destruction de zones humides qui stockent naturellement le carbone responsable du dérèglement climatique…
Pour eux, l’annonce du gouvernement est une étape positive, mais ça ne suffit pas. Les ONG réclament des mesures pour freiner l’expansion du trafic aérien, un secteur responsable de 2 à 3 % des émissions mondiales de CO2 mais qui n’est pas inclus dans l’Accord de Paris.
Pour le ministre de l’Environnement Nicolas Hulot, qui était opposé de longue date à ce « projet du XXe siècle », « ruineux, inhumain et inutile », c’est en tout cas une victoire politique majeure, après les revers essuyés sur d’autres dossiers sensibles comme le Ceta ou les états généraux de l’alimentation.