Marseille: «Sans grosse opération de "nettoyage" avant d’installer une police de proximité, bon courage»
SÉCURITÉ•Le ministre de l'intérieur Gérard Collomb a annoncé le déploiement de la police de sécurité du quotidien dans les IIIe, XIVe et XVe arrondissement de la ville…Adrien Max
L'essentiel
- La ville de Marseille va acceuillir la police de sécurité du quotidien dans le IIIe, XIVe et XVe arrondissements de la ville.
- Beaucoup s’inquiètent quant à leurs interventions dans des quartiers où la délinquance liée aux trafics est très présente.
- Des voix s’élèvent pour demander une solution plus globale.
Gérard Collomb, ministre de l’Intérieur, a annoncé ce jeudi après-midi que la police de sécurité du quotidien entrerait en vigueur dans les prochaines semaines. Comme pressentie, la ville de Marseille va accueillir une vingtaine de policier supplémentaire par quartier, qui seront chargés de rétablir le lien avec la population dès les prochains jours.
Pourtant des voix s’élèvent déjà et s’interrogent son efficacité, au vu de la situation de Marseille en termes de délinquance, liée au trafic de stupéfiant.
« Si une demi-compagnie de CRS est envoyée dans une cité, ils refusent »
La sénatrice et ancienne maire des 15e et 16e arrondissements de Marseille, Samia Ghali, ne veut pas condamner cette mesure avant sa mise en place. « Cela dépendra des effectifs, prévient-elle. C’est toujours bien d’avoir plus de policiers mais il ne faut pas oublier que ces dernières années on en a eu de moins en moins. »
Elle se réjouit de la possibilité que Marseille devienne une ville d’expérimentation car elle « part de loin », mais la sénatrice émet des réserves : « On dispose d’une police de proximité dans nos quartiers et pourtant trois chantiers sont actuellement à l’arrêt dans mon secteur. Les caïds s’opposent à ces travaux et on ne peut rien y faire. »
Pour elle, la police de sécurité du quotidien ne sera pas en mesure d’intervenir dans ces quartiers, où la sécurité est un enjeu principal :
« « Aujourd’hui si une demi-compagnie de CRS est envoyée dans une cité, ils refusent. Envoyer ces nouvelles patrouilles dans ces cités c’est les mettre en danger » »
Quels effectifs, quels moyens ?
Un responsable de l’association de médiation et de cohésion sociale de Marseille, qui a préféré garder l’anonymat, partage l’avis de Samia Ghali :
« « J’en ai parlé avec des collègues, il faudrait une grosse opération de « nettoyage » avant d’installer une police de proximité, sinon bon courage pour ces gars-là. » »
Il a connu différents gouvernements, et selon lui la méthode globale était la plus efficace. « La police occupait le quartier pendant plusieurs semaines, le réseau était démantelé et ensuite la police de proximité et nous, intervenions pour aider les habitants », explique-t-il.
D’après son expérience il serait actuellement très difficile de rentrer dans certains quartiers : « Je suis allé à la Castellane il y a quelques jours, j’ai dû me faire accompagner puis raccompagner pour la première fois de ma vie. Les gardiens de parc, dont l’habit réfléchissant peut évoquer la police, ont déjà la vie dure. »
Une source policière considère que l’idée est bonne, mais s’interroge sur son application : « Avec quels effectifs et quels moyens matériels ? A Marseille il nous manque déjà une centaine d’hommes et je ne vous parle pas du matériel. Ce n’est pas avec une patrouille de quatre ou cinq que les gens vont venir nous parler dans les cités. »
Une réponse plus globale
Caroline Pozmentier, adjointe à la sécurité à la mairie de Marseille, accueille, elle, cette annonce d’un bon œil :
« « Ces propositions vont dans le bon sens. Le président a la même lecture que nous avons en tant qu’élus locaux, il faut restaurer la confiance entre la police et les citoyens et lutter contre le sentiment d’impunité. » »
Selon elle, le temps de l’expérimentation doit être dépassé, et en plus de cette mesure, la justice doit donner les moyens à cette police d’être plus efficace.
Pour le policier, qui connaît bien la problématique puisqu’il est né dans les quartiers Nord, la réponse doit être plus globale. « Il faut des gens de la ville, des médiateurs sociaux, des policiers municipaux pour recréer un noyau, et embaucher des personnes issues de ces quartiers pour montrer aux gens qu’ils peuvent réussir avec un métier. »