Macron ne veut plus de «migrants dans les rues ou dans les bois dès 2018», mais comment compte-t-il faire?
POLITIQUE•Le président de la République Emmanuel Macron a exposé jeudi une politique ambitieuse face à la crise des migrants visant à faire disparaître les campements de rue dès l’an prochain…C.P.
«D’ici la fin de l’année, je ne veux plus personne dans les rues, dans les bois ». Voilà la promesse lancée jeudi par le président Macron, en marge d’une visite d’un centre d’hébergement de réfugiés à Orléans (Loiret). Un engagement qui intervient alors que plus de 800 personnes se sont réinstallées dans la rue près d’un centre humanitaire pour migrants porte de la Chapelle à Paris, trois semaines après l’évacuation de près de 3.000 personnes au même endroit. La 34e en deux ans. Simple vœu pieux ou véritable volontarisme politique ? L’ambition affichée par le chef de l’État a été saluée jeudi par les associations, qui restent toutefois prudentes.
« C’est un engagement fort » qui « correspond à ce que les associations et l’ensemble des acteurs institutionnels demandent depuis des mois, parce que les politiques d’urgence qui sont à l’œuvre n’ont finalement aucun sens », a déclaré jeudi sur RTL le directeur général de l’association France Terre d’asile, Pierre Henry. « Jusqu’alors, c’était plutôt une opposition que nous rencontrions, une idée selon laquelle améliorer les dispositifs d’accueil ferait appel d’air. Le président vient de tordre le cou à cette idée », s’est-il félicité. Il faut maintenant que ce discours « soit traduit dans des actes », a-t-il ajouté.
Comment le gouvernement compte-il atteindre en l’espace de cinq mois son ambitieux objectif ? La politique dévoilée jeudi s’articule autour de trois axes : créer des logements d’urgence ; accélérer le traitement des demandes d’asile et rendre plus efficaces les reconduites aux frontières ; et créer des « hot spots » en Libye pour orienter les candidats au départ avant qu’ils ne traversent la Méditerranée.
-Créer des hébergements d’urgence : Sur le territoire français, « je veux partout des hébergements d’urgence », a lancé jeudi Emmanuel Macron, jugeant que le traitement des migrants aux premiers mois de leur arrivée est pour l’instant « indigne ».
« Pour réussir cet objectif, il faut mettre en place des centres de transit « dans les grandes capitales régionales », à l’image du centre humanitaire ouvert en novembre dans le nord de Paris, a estimé jeudi le président de France Terre d’asile. Cela permettrait « une répartition solidaire sur l’ensemble du territoire et des règles communes, et ça, c’est possible de le faire assez rapidement en mobilisant les bâtiments collectifs nécessaires ». Il faudra aussi débloquer des moyens financiers, a souligné Pierre Henry.
-Traitement des demandes d’asiles et reconduite aux frontières : Le chef de l’État souhaite « dès la première minute, un traitement administratif qui permette de déterminer si on peut aller vers une demande d’asile ou non, et derrière une vraie politique de reconduite aux frontières » pour l’instant « complètement inefficace ».
Le gouvernement veut ainsi obtenir une réduction rapide les délais de traitement des dossiers de demande d’asile de 18 à 6 mois. Un objectif « possible et qui se fera » selon le directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra) : « A l’Ofpra, nous pourrons réduire le temps d’instruction à deux mois, alors qu’il était de neuf mois en 2015. Les délais sont déjà descendus à 5 mois aujourd’hui », explique vendredi au Figaro Pascal Brice, qui salue un « effort budgétaire rentable » « qui permet des économies d’hébergement plus importantes ».
Parallèlement, le chef de l’État veut mettre en œuvre des reconduites aux frontières systématiques pour les déboutés du droit d’asile et les illégaux, « Il n’existe pas, le pays qui peut accueillir tous les migrants économiques », a-t-il insisté.
-Installation de « hot spots » en Libye : Autre projet du chef de l’État : « ouvrir des hot spots en Libye afin d’éviter aux gens de prendre des risques fous alors qu’ils ne sont pas tous éligibles à l’asile ».
« Nous avons identifié une zone, qui est le sud libyen, le nord du Niger et le nord du Tchad où il y a une accumulation progressive de migrants, car c’est l’une des seules voies ouvertes. Si on veut traiter le problème en amont, c’est dans ces zones-là » qu’il faut implanter des centres de l’Ofpra, a expliqué l’Elysée.
A l’intérieur de la Libye, « ce n’est pas possible aujourd’hui » pour raisons de sécurité, mais « ce peut être le cas à courte échéance » et une mission de l’Ofpra ira sur place « dès fin août » pour en examiner la faisabilité.
Les personnes acceptées devraient voir leur voyage facilité, tandis que les personnes non éligibles seraient dissuadées de poursuivre un dangereux périple.
Berlin s’est dit intéressé : « Le gouvernement allemand va examiner en détail cette proposition », a dit le porte-parole d’Angela Merkel.
« Ce que le président de la République a proposé est tout à fait nouveau puisque cela ne s’est encore jamais fait sur le sol africain », note Pascal Brice, le directeur général de l’Ofpra dans Le Figaro, mais il met en avant l’expérience acquise par ses services : « L’Ofpra réalise depuis trois ans au Proche Orient, au Liban, en Jordanie, en Turquie ou en Egypte, des missions visant à instruire à la demande d’asile sur place, dans de bonnes conditions ».
« L’idée d’établir des centres d’examen en Libye ou dans d’autres pays hors Europe n’est pas nouvelle. Mais elle porte en germe beaucoup de risques pour les droits et la dignité des personnes concernées », a cependant averti Judith Sunderland, de Human Rights Watch (HRW).
« Le Président s’est un peu emballé sur la Libye. Les hot spots, les centres d’accueils ce sera pour le jour où la Libye sera une DEMOCRATIE », a également réagi sur Twitter le président de France Terre d’Asile.