TERRORISMEAttentat de Nice: Un an après, où en est l’enquête?

Attentat de Nice: Un an après, où en est l’enquête?

TERRORISME9 personnes, soupçonnées d’avoir aidé le terroriste de Nice, ont été mises en examen au cours de l’année. Les enquêteurs essaient toujours de déterminer les liens qu’il entretenait avec Daesh. «20 Minutes»​ fait le point...
Thibaut Chevillard

Thibaut Chevillard

L'essentiel

  • 9 personnes, soupçonnées d’avoir aidé le terroriste de Nice, ont été mises en examen au cours de l’année.
  • Les enquêteurs essaient toujours de déterminer les liens qu’il entretenait avec Daesh.

Le 14 juillet dernier, vers 23h, Mohamed Lahouaiej Bouhlel, 31 ans, lance son camion dans la foule massée sur la promenade dans Anglais, faisant 86 morts et 434 blessés. ll est abattu presque deux kilomètres plus loin par les policiers, parvenant ainsi à le stopper dans son sanglant périple.

La mort du terroriste a entraîné la fin de l’action publique contre lui. Mais un an après, les investigations se poursuivent sous la direction de juges d’instruction parisiens afin de savoir si des complices l’ont aidé à commettre cet attentat, revendiqué par Daesh. Une revendication qui, elle aussi, pose question.

Mohamed Lahouaiej Bouhlel « semble avoir envisagé et mûri plusieurs mois avant son passage à l’acte », avait expliqué le procureur de Paris, François Molins, lors d’une conférence de presse. Les enquêteurs ont notamment retrouvé des photos prises au même endroit pratiquement un an plus tôt qui « représentaient plus la foule présente sur la Promenade que le spectacle pyrotechnique lui-même », écrivent les policiers de la sous-direction anti-terroriste, dans leur rapport, consulté par 20 Minutes.

« Soutenu dans sa folie par son entourage »

Ils ont aussi rapidement acquis la certitude que le terroriste « était soutenu dans sa folie par son entourage ». Ainsi, dès la fin du mois de juillet 2016, six personnes ont été mises en examen, soupçonnées d’avoir « favorisé l’acte de Bouhlel, chacun dans des rôles distincts ».

  • Trois d’entre elles sont suspectées d’avoir fourni un pistolet au tueur. Selon les policiers, il a demandé à Ramzi A., un Franco-Tunisien de 22 ans, de lui trouver des armes. Ce dernier l’a alors mis en relation avec un couple d’Albanais, Artan H., 39 ans, et Enkeledja Z., 43 ans, qui lui ont vendu un pistolet pour 1.400 euros. En outre, d’après des images de vidéosurveillance, Ramzi A. était présent le 12 juillet 2016 sur la promenade des Anglais aux côtés de Mohamed Lahouaiej Bouhlel. Et le soir des faits, l’assaillant lui avait envoyé un message « l’enjoignant de le rejoindre ».

  • Mohamed G., un proche du terroriste, était monté dans le camion la veille de l’attentat. Le 15 juillet, découvrent les enquêteurs, ce Franco-Tunisien de 41 ans se filmait devant les secours sur la promenade des Anglais, affichant sur son visage une « réjouissance morbide » qui les conduisait « à s’interroger sur ses idées à nature terroriste ». En janvier 2015, il avait également envoyé un texto à Mohamed Lahouaiej Bouhlel, se félicitant de l’attentat à la rédaction de Charlie hebdo.

  • Chokri C. 38 ans, avait envoyé au terroriste, en avril 2016, un énigmatique message sur Facebook, « pouvant être jugé comme incitatif à l’action menée ». Celui qui apparaît comme étant le « mentor influent » de Mohamed Lahouaiej Bouhlel lui écrivait : « Charge le camion, mets dedans 2.000 tonnes de fer et nique coupe-lui les freins mon ami et moi je regarde. »

  • Hamdi Z., de son côté, s’est fait photographier par le tueur devant le camion, le 12 juillet. Âgé de 36 ans, il aurait pu être au courant du projet d’attentat

En décembre 2016, trois autres personnes étaient mises en examen et placées en détention provisoire. Elles sont, à leur tour, soupçonnées d’avoir joué un rôle dans la fourniture d’armes à l’auteur de l’attentat.

  • Brahim T., né en Tunisie en 1985, est suspecté d’avoir joué le rôle d’intermédiaire entre Ramzi A. et le couple d’Albanais qui lui a vendu le pistolet.

  • Maksim C., 24 ans, cousin d’Artan H., est soupçonné d’être impliqué dans une transaction liée à une Kalachnikov retrouvée lors d’une perquisition dans la cave de Ramzi A. le 20 juillet 2016, tout comme Adi E., né en 1980 en Albanie.

Une revendication d’opportunité ?

L’attentat commis par Mohamed Lahouaiej Bouhlel a été « permis par le soutien matériel de délinquants niçois ». Pour autant, a-t-il agi pour le compte de Daesh, comme l’a proclamé, 36 heures après l’attaque, l’organisation terroriste ? L’examen de son ordinateur révèle bien « son appétence pour les vidéos de propagande et d’exactions liées à Al Qaida et à l’état islamique ». Et les auditions réalisées par les enquêteurs confirment « son obsession pour la violence sadique, sa fascination pour l’extrême violence morbide, ainsi que pour les décapitations diffusées par Daesh ».

Mais, remarquent les policiers, « pour la première fois, l’état islamique reconnaissait comme l’un de ses soldats l’auteur d’une action isolée, alors que celui-ci n’avait fait aucune déclaration d’allégeance préalable ». Aucune trace reliant Daesh à Mohamed Lahouaiej Bouhlel n’a été trouvée. « Comme tenu de l’ampleur de l‘événement, Daesh pouvait y voir une opportunité à saisir afin de s’affirmer sur le plan médiatique », écrivent-ils en juillet 2016 dans leur rapport.

« Perturbé », « instable », « violent et provocateur »

Une hypothèse renforcée par le fait que Mohamed Lahouaiej Bouhlel, inconnu des services antiterroristes, était « décrit par la plupart de ses relations comme buvant de l’alcool, mangeant du porc, faisant systématiquement des avances à la gent féminine et ne présentant aucun signe de radicalisation à l’islam ». Son employeur également n’avait remarqué « aucun signe de religiosité ».

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Les policiers estiment que le geste de cet amateur de salsa et de boxe, décrit par ses proches comme « perturbé », « instable », « violent et provocateur », « revêtait un caractère terroriste », bien qu’« atypique au regard de l’absence de liens avérés avec la Syrie, et les zones de combat ». Mohamed Lahouaiej Bouhlel, « un solitaire » donc, qui aurait répondu à l’appel au meurtre général lancé, en septembre 2014 par le porte-parole de Daesh, à l’instar de Larossi Abballa, le terroriste de Magnanville.