INTERVIEWEnfants enlevés: «Cet événement va le marquer, il va se construire avec»

Enfants enlevés: «Cet événement va rester, ça va le marquer, il va se construire avec»

INTERVIEWChaque année, 511 enfants sont enlevés ou détournés par l’un de leurs parents…
Lucie Bras

Propos recueillis par Lucie Bras

C’est la vingtième Alerte enlèvement déclenchée par la justice en France depuis sa création. Vincente, 5 ans et demi, a été enlevé mercredi par son père armé d’un revolver. En 2015, 511 mineurs ont été enlevés ou détournés par l’un de leurs parents. Des associations comme le Centre français de protection de l’enfance (Cfpe) sont là pour les prendre en charge. Gwenaelle Buser est psychologue pour le Cfpe et essaie de soigner les maux de ces jeunes psychologiquement fragilisés.

Comment expliquer un enlèvement à un enfant qui a vécu cette expérience traumatique ?

Plus un enfant est jeune, plus il est fragile. Dans tous les cas, c’est une situation pathogène pour lui, et pour tout son environnement : on peut parler de traumatisme. Ce qui est important, c’est de savoir comment il l’a vécu : de manière brutale ou pas. Il ne faut pas oublier que les enfants ont de grandes capacités adaptatives. C’est davantage l’entourage qui est marqué par cet événement, et cela n’aide pas les enfants à dépasser le traumatisme.

Quelles sont les séquelles qui peuvent toucher l’enfant ?

Tout dépend de la situation : quand il y a un lien entre l’enfant et la personne qui l’enlève, ça peut être moins traumatisant, s’il n’y a pas de violence. J’ai suivi des enfants qui avaient l’impression d’être partis en vacances, même s’ils sentaient que quelque chose n’allait pas. Mais chez un enfant, cet événement va rester, ça va le marquer, il va se construire avec. Certains se posent des questions identitaires : « qui je suis ? », des questions sur la séparation, l’abandon, la culpabilité aussi car ils sentent bien qu’ils sont les objets du déchirement familial. C’est pour ça qu’il faut les mettre en contact avec des professionnels, qui vont remettre en route la machine à penser, bloquée par le traumatisme.

Comment se prépare le retour à la « vie normale » après l’enlèvement ?

En amont, on travaille avec le parent victime pour réfléchir au retour de l’enfant, savoir comment l’accueillir. On parle aussi de la question du manque. Souvent le parent idéalise ce retour, le rêve. Et en même temps il y a une appréhension : est-ce que ce sera comme avant ou pas ? Va-t-il me reconnaître ? Le parent et l’enfant ont besoin de temps pour se retrouver. Ensuite, on essaie de réunir les enfants en groupes et d’évoquer tout ça par des dessins, des cartes, du théâtre. On évoque aussi le parent fautif, qui reste malgré tout un parent. Il ne faut pas couper le lien mais le faire exister dans le discours, sans être sans arrêt dans la négativité.

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