Affaire Bygmalion: Quelle peine risque Nicolas Sarkozy?
JUSTICE•L’ancien président de la République est renvoyé en procès pour « financement illégal de sa campagne électorale » de 2012…Vincent Vanthighem
«Est-ce que vous me prêtez deux neurones dans ma tête ? Est-ce que vous croyez que si j’avais quelque chose à me reprocher au fond de moi, je viendrais m’exposer dans un retour à la politique comme aujourd’hui ? » Voilà comment Nicolas Sarkozy se défendait sur France 2, en octobre 2014, des accusations portées contre lui dans l’affaire Bygmalion.
Deux ans plus tard, on peut affirmer que l’argument n’a pas convaincu. Eliminé dès le premier tour de la primaire de la droite et du centre en novembre, l’ancien chef de l’Etat vient d’être renvoyé devant un tribunal correctionnel pour « financement illégal de campagne électorale » dans le cadre de l’enquête menée sur les fausses factures Bygmalion. 20 Minutes fait le point sur ce qui l’attend désormais…
- Qu’est-il reproché à Nicolas Sarkozy ?
L’ancien président de la République est renvoyé pour « financement illégal de campagne électorale ». Le juge Serge Tournaire, qui a signé l’ordonnance le 3 février, lui reproche d’avoir sciemment dépassé le plafond de dépenses électorales pour la campagne présidentielle de 2012 qui était alors fixé à 22,5 millions d’euros. Selon une évaluation qui figure au dossier, le budget aurait en réalité était dépassé de plus de 20 millions d’euros dissimulés dans un vaste système de fausses factures établies par la société Bygmalion.
Nicolas Sarkozy n’est pas mis en cause pour avoir eu connaissance de cette fraude aux fausses factures. Mais il est soupçonné d’avoir engagé des dépenses supplémentaires en réclamant l’organisation de nouveaux meetings de campagne alors qu’il ne pouvait ignorer que son budget allait franchir la ligne rouge. En témoigne un SMS entre deux membres de son équipe de campagne daté du 28 avril 2012. « Nous n’avons plus d’argent, y est-il écrit. JFC [Jean-François Copé] en a parlé au PR [Président de la République]. »
Nicolas Sarkozy a toujours prétendu qu’il ne s’occupait pas des comptes de sa campagne. « Il y a 46 cartons de factures. Fallait-il que je me plonge dans les 46 cartons ? », s’était-il défendu lors de son audition de plus de douze heures devant les juges qui l’ont mis en examen en février 2016.
- Dispose-t-il encore d’un recours lui permettant d’échapper à ce procès ?
Oui mais il peut probable que celui-ci lui évite, au final, une comparution devant le tribunal correctionnel de Paris. L’ordonnance de renvoi n’a été signée que par un des deux juges chargés d’instruire ce dossier, laissant entendre qu’il existait un désaccord entre eux sur la suite à donner à ce dossier. Contrairement à Serge Tournaire, Renaud Van Ruymbeke n’a pas paraphé le document.
« Sur le fond, cela ne changera rien, veut croire Jérôme Karsenti, l’avocat de l’association Anticor, partie civile dans le dossier. Mais cela risque de retarder un peu les choses… » Les avocats de Nicolas Sarkozy ont déjà annoncé leur intention de faire appel de l’ordonnance de renvoi devant la chambre de l’instruction. En cas d’échec, ils pourront également se pourvoir en cassation. « Malgré tout, je pense que ce procès pourrait se tenir avant la fin de l’année 2017 », poursuit Jérôme Karsenti.
- Quelle peine risque-t-il ?
Le délit de financement illégal de campagne électorale est passible d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 3.750 euros d’amende (articles L. 86 à L. 117-1 du Code électoral). A noter que les treize autres personnes renvoyées dans cette affaire, dirigeants de la société Bygmalion et membres de l’équipe de campagne de l’ancien président, devront, eux, répondre de faits de « faux et usage de faux », « d’abus de confiance » ou encore « d’escroquerie ». Des faits passibles de peines allant de trois à cinq ans d’emprisonnement.
Jusqu’à présent, Jacques Chirac est le seul ancien président de la Cinquième République à avoir dû comparaître devant un tribunal correctionnel. Dans l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris, il avait été condamné à deux ans de prison avec sursis en 2011.