COMPTE-RENDUVol des tableaux: Lourdes peines requises pour un «préjudice indicible»

Procès du vol des tableaux de maîtres du musée d'Art moderne: De lourdes peines requises pour un «préjudice indicible»

COMPTE-RENDULe parquet a requis ce vendredi des peines allant de 7 à 10 ans de prison et d'importantes amendes à l'encontre du voleur et des deux receleurs présumés des cinq tableaux de maîtres dérobés en mai 2010 au musée d'Art moderne de la Ville de Paris...
Des policiers à proximité du musée d'Art moderne de la Ville de Paris en mai 2010, quelques jours après le vol de cinq tableaux de maîtres.
Des policiers à proximité du musée d'Art moderne de la Ville de Paris en mai 2010, quelques jours après le vol de cinq tableaux de maîtres. - BERTRAND GUAY / AFP
Hélène Sergent

Hélène Sergent

«Une atteinte au patrimoine de l’humanité », un « préjudice indicible », c’est en ces termes que l’avocat de la Ville de Paris et le ministère public ont qualifié ce vendredi le vol et la disparition de cinq tableaux de maîtres en mai 2010 au musée d’Art moderne de la capitale. Un « casse spectaculaire » selon les propres mots d’un des trois prévenus, Vjéran Tomic, qui comparaissait lundi et ce vendredi aux côtés de Jean-Michel Corvez et Yonathan Birn, poursuivis pour recel et association de malfaiteurs.

Sur la « commande » ou « demande » passée par Corvez, antiquaire installé gare de Lyon, ne figurent que deux noms : Fernand Léger et Modigliani. Après avoir descellé une baie vitrée, Tomic constate le soir du fric-frac qu’aucun système d’alarme ne se déclenche. Surnommé « l’homme-araignée », il entame alors sa déambulation dans les salles du musée. Il n’emporte pas deux mais cinq tableaux : « Ils faisaient pas partie de la commande mais ils me plaisaient », avait expliqué, lundi, le prévenu.

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Tous confiés au commerçant, les tableaux devenus invendables à la suite du retentissement du vol, finissent « stockés » à l’hiver 2010 chez l’un de ses « amis » : Yonathan Birn. « Fasciné » par l’œuvre de Modigliani, La Femme à l’éventail, cet horloger âgé de 40 ans accepte de l’acheter pour 80 000 euros, la conserve dans le coffre de sa banque et camoufle les quatre autres toiles derrière une armoire métallique de son atelier avant de commettre l’irréparable.

« Petit tango de mensonges »

Sept ans après les faits, impossible de remettre la main sur les cinq chefs-d’œuvre signés Picasso, Matisse, Modigliani, Braque et Léger, estimés au total à 109 millions d’euros par le musée. « Je les ai mis à la poubelle » a affirmé lundi, en pleurs, Yonathan Birn, dépeint par son avocate Caroline Toby, comme un « bonhomme fragile », un « angoissé », « idiot » qui « s’ennuie dans sa vie de bourgeois ». Une théorie mise en doute par ses compagnons d’infortune, par les enquêteurs et par l’accusation.

Face au tribunal correctionnel de Paris, l’avocat de la Ville, William Bourdon, a dénoncé le « petit tango de mensonges » de l’horloger qui a fourni diverses versions lors de l’instruction. Les larmes, les sanglots « à dessein », la fragilité de Birn, la procureure, Anaïs Trubuilt, a expliqué « ne pas y croire » avant de requérir à son encontre une peine de sept ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende.

« Pieds nickelés » ou « équipage professionnel »

À ses côtés sur le banc des prévenus, Vjéran Tomic et Jean-Michel Corvez ont été, eux aussi, sévèrement épinglés par le parquet : dix ans de prison, 300 000 euros d’amende et une interdiction d’exercer toute activité dans la vente de bijoux et d’œuvres d’art pendant cinq ans ont été demandés à l’encontre du voleur présumé contre huit ans de prison et 150 000 euros d’amende pour l’antiquaire receleur.

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Des réquisitions « inacceptables » pour l’avocat de Tomic, David-Olivier Kamnski : « Si le dossier est ce qu’il est aujourd’hui, c’est grâce à M. Tomic seul, il était seul devant les fonctionnaires de police (…) il l’a fait volontairement, consciemment, en connaissant les risques encourus pour ses aveux », a-t-il tonné face au tribunal. Des aveux pourtant lâchés six mois après les faits, à la suite d’un renseignement anonyme le mettant en cause. Le rôle « central » supposément endossé par Jean-Michel Corvez a également été pointé et par l’accusation et par les avocats de Tomic et Birn.

« Il ne s’agit pas d’un équipage de pieds nickelés. Cet équipage savait, en allant voler ces tableaux-là et pas d’autres, de quoi il retournait (…) Tomic n’est pas capable de prononcer correctement "Magritte", il aime peut-être le beau mais il n’a pas pu lui seul sélectionner les tableaux », a lancé William Bourdon. Pour Me Kamnski, « il n’y a pas de voleur sans receleur ». Et si Birn a récupéré et camouflé le butin, c’est « par amitié », parce que Corvez « était dans la difficulté » et exerçait à l’époque un « étrange ascendant » sur l’horloger, selon l’avocate de l’artisan.

Apparu tout au long de l’audience comme distant aux faits reprochés et froid, Corvez a toutefois tenu à la fin des débats, à s’excuser : « Je déplore cette situation, ses conséquences, ses tenants et aboutissants. J’ai perdu mon domicile, j’ai perdu mon épouse à l’issue de mon incarcération, cette affaire a été un cataclysme d’un point de vue personnel. Je voulais m’en excuser auprès d’elle et auprès du musée d’Art moderne ».

Le jugement sera rendu lundi 20 février.