REPORTAGE« Djihad » joué au théâtre : « Marine Le Pen a été ma muse »

« Djihad » joué au théâtre : « Marine Le Pen a été ma muse »

REPORTAGELa première représentation de la pièce « Djihad » au théâtre des Feux de la rampe a eu lieu ce vendredi soir…
Florence Floux et Hélène Sergent

Florence Floux et Hélène Sergent

La salle est comble. Ce vendredi soir, au , à Paris, beaucoup de journalistes, quelques « vrais gens » et aussi l’acteur Yvan Attal se sont massés pour voir la première représentation de la pièce Djihad dans cette salle du 9e arrondissement. Après avoir rencontré le succès en Belgique et écumé les établissements scolaires, le spectacle se déplace, pour la première fois, à Paris. L’histoire est simple : Ben, Reda et Ismaël, trois jeunes issus de l’immigration et originaires de Bruxelles décident de partir en Syrie pour faire le djihad.

Mais la route du djihad va s’avérer compliquée et pleine de (mauvaises) surprises. Sur scène, quatre comédiens remplissent l’espace au décor minimaliste. Une fois le rideau baissé, le public semble apprécier davantage le message aux vannes qui fusent sur scène. Pour Bastien, président d’une association chargée d’accompagner les jeunes dans leur orientation professionnelle, « on donne très rarement la parole aux quartiers, et là d’avoir des gars qui peuvent parler de leur isolement, du fait qu’ils aient un accès trop restreint à la culture, à l’information, à l’éducation, je crois que c’est une très bonne chose. Le message est simple, les blagues sont faciles à comprendre, c’est bien pour les gamins, ça leur permet de se mettre rapidement à la place de ceux qui sont en face d’eux. »

« C’est parfois un peu caricatural et en même temps très réaliste »

Renaud aussi a été sensible au thème du spectacle : « Ça m’a vraiment beaucoup touché, ça parle de nous. Ce n’est pas l’étranger, c’est ce que fabrique notre société. J’en ai marre d’entendre parler de l’islam de façon hystérique. La pièce aborde le problème de l’exclusion, c’est très pédagogique. » Gabriella s’est également retrouvée dans le ton du spectacle. « J’ai aimé l’équilibre entre l’humour de certains dialogues et le fond beaucoup plus sérieux du sujet. C’est selon moi la meilleure façon de parler des problématiques les plus délicates. Et c’est bien plus accessible aussi, notamment pour le jeune public. »

Après une heure de tragi-comédie, la pièce cède la place au débat. L’auteur et acteur Ismael Saïdi se prête aux jeux des questions-réponses avec le public. Si celui-ci a beaucoup ri jusqu’ici, la première intervention fait soudain reprendre conscience de la gravité du sujet abordé ce soir : « Nous sommes les parents d’un jeune qui est probablement décédé en Syrie. On a eu l’impression de le voir dans certaines scènes. C’est parfois un peu caricatural et en même temps très réaliste. Vous êtes-vous inspirés de vrais djihadistes ? » Au micro, beaucoup reconnaissent , parti faire le djihad.

« Marine Le Pen a été ma muse »

D’autres courageux prennent le micro pour l’interroger sur ses motivations à écrire sur un tel sujet. Ismaël Saïdi fait des réponses claires, détend l’atmosphère. « Marine Le Pen a été ma muse. » Rires dans la salle. « J’ai commencé à écrire la pièce en 2014, quand je l’ai entendu dire en interview que ça ne la dérangeait pas que des jeunes partent pour la Syrie, tant qu’ils ne revenaient pas en France. » Une réponse que l’auteur du spectacle a trouvée profondément choquante. « Je suis né à Schaerbeek, il y a quarante ans. Cette histoire, c’est un peu la mienne. Chaque personnage est un peu moi. C’est une pièce qui parle de rupture identitaire », explique-t-il.



En prenant bien la peine de condamner au préalable les terroristes passés à l’action, Ismaël Saïdi raconte son expérience, son ressenti. « La pièce est un questionnement sur les départs. On y aborde cet antisémitisme qu’on vous inculque depuis l’enfance, cette espèce de racisme aussi -une fille pour s’amuser et une vraie musulmane pour se marier-, cette vie de dogmes dont vous ne savez même pas vraiment d’où ils viennent -pas le droit de dessiner, à la musique… »

« La France, ce n’est pas un pays, c’est un concept »

Sans avoir de question précise à poser, certains prennent le micro pour le remercier de cette pièce « qui rassemble dans un pays où tout divise », comme Maïtena Biraben, également présente. Entre deux blagues, l’auteur, qui prend la parole sous le regard attentif de l’islamologue Rachid Benzine, aborde des sujets graves. « Les sources de la radicalisation, c’est une hydre à deux têtes : des ghettos avec des gens livrés à eux-mêmes, et la pression que la communauté musulmane met sur ses membres. Il y a un problème religieux lié à cette foi-là. Ce ne sont pas de bouddhistes qui prennent les armes. »

Après encore quelques questions sur les pérégrinations du spectacle, encore davantage réclamé par le public belge après les attentats de janvier à Paris, l’heure est venue de quitter la salle. Mais avant cela, Ismaël Saïdi a tout de même le temps de signer son discours d’une belle punchline : « J’adore la France, ce n’est pas un pays, c’est un concept et c’est sûrement pour ça que vous êtes attaqués. En France, à chaque fois qu’il y a eu une affaire Dreyfus, il y a eu un Zola. Et c’est Zola qui gagne à chaque fois. »