Quelles sont les pistes du gouvernement pour réformer l'islam de France?
RELIGION•Face à la vague d'attentats djihadistes qui frappent la France, Manuel Valls a appellé ce vendredi dans une interview au «Monde» à «inventer une nouvelle relation avec l'islam de France»...Caroline Politi
«Il faut une remise à plat et inventer une nouvelle relation avec l’islam de France. » Trois jours après l’attentat contre une église de Saint-Etienne-du-Rouvray, Manuel Valls a évoqué dans une interview au Monde son désir de « bâtir un nouveau modèle » avec l’ islam de France. Alors que jusqu’à présent le débat se situait principalement au niveau politique, mercredi, le recteur de la grande mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, a abondé en ce sens. « Une certaine réforme dans [nos] institutions est à l’ordre du jour », a-t-il déclaré. Financement des mosquées, concordat, formation des imams… 20 Minutes fait le point sur les pistes à l’étude.
Pourquoi cette volonté de réformer l’islam de France ?
Contrairement aux autres cultes, l’islam n’est pas pourvu d’une organisation hiérarchique, claire et incontestable. En 2003, Nicolas Sarkozy a créé le Conseil Français du culte musulman (CFCM) mais l’instance – aujourd’hui, interlocuteur privilégié du gouvernement – n’a jamais réussi à fédérer au sein de la communauté musulmane. L’arrivée à sa tête il y a un an d’ Anouar Kbibech avait pourtant suscité quelques espoirs. Mais son projet de « labelliser les imams » pour écarter les radicaux est resté lettre morte.
La difficulté de créer une instance représentative vient principalement du fait qu’il existe, en France, une diversité de courants. Si la majorité des musulmans de l’héxagone sont sunnites – environ 90 % - les pratiques varient en fonction des pays d’origine (Maroc, Algérie, Tunisie…). Après les attentats de Charlie Hebdo, le gouvernement avait déjà affiché sa volonté de réformer le CFCM pour « élargir et diversifier » sa composition et entamer ainsi une première « réorganisation de la représentation de l’islam ». Mais les négociations, particulièrement compliquées, semblent aujourd’hui au point mort.
Vers la création d’un concordat ?
Selon Le Canard Enchaîné, le ministre de l’Intérieur envisagerait la mise en place d’un concordat entre l’Etat et l’islam de France. L’idée part d’un constat simple : dans le cadre de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, il est quasiment impossible d’offrir aux musulmans les moyens nécessaires à la pratique de leur religion dans de bonnes conditions. Aujourd’hui, l’islam est devenu la deuxième religion de France et les mosquées manquent cruellement. Or, la loi de 1905 interdit aux autorités de construire des lieux de culte : si les musulmans veulent une mosquée, ce sont aux fidèles de la financer, notamment grâce aux dons. C’est ce qui pousse les responsables cultuels à se tourner vers les financements étrangers, notamment des pays du Golfe.
Le gouvernement souhaite stopper cette pratique. « Je suis favorable à ce que, pour une période à déterminer, il ne puisse plus y avoir de financement de l’étranger pour la construction des mosquées », a déclaré Manuel Valls au Monde. Les autorités craignent qu’au travers de ces dons, les pays imposent une certaine vision de la religion, beaucoup plus rigoriste. Un concordat, semblable à celui qui existe en Alsace ou en Moselle permettrait aux collectivités de financer plus facilement de nouvelles mosquées.
L’idée ne fait cependant pas l’unanimité. Un récent rapport parlementaire «sur l’organisation, la place et le financement de l’Islam en France et de ses lieux de culte» préconisait, au contraire, un retrait de l’Etat. Hors de question pour les parlementaires de faire une entorse à la loi de 1905. Ils préconisent plutôt la réactivation de la Fondation des œuvres de l’islam, par laquelle transiteraient les dons et la création d’une « redevance pour service rendu » – et non une taxe halal – mise en place par les représentants du culte.
Une meilleure formation des imams ?
Autre point de réflexion : la formation des imams. Il n’existe pas de statut reconnu ou de « diplôme » pour les responsables religieux musulmans. Ils sont généralement choisis par le responsable de l’association qui gère la mosquée pour leur connaissance des textes saints. « Je souhaite, notamment, que les imams soient formés en France et pas ailleurs », a déclaré ce vendredi le Premier ministre. Objectif : éviter la présence de prédicateurs autoproclamés qui prêchent unislam radical. Le chef de l’Etat a indiqué que depuis les attentats du 13 novembre, « 80 imams ou prêcheurs de haine » avaient été expulsés.
Dans son plan pour l’islam de France, présenté en février 2015, le gouvernement incitait les imams à suivre des formations civiques et civiles dans les universités. Au programme, des cours sur les principes de la laïcité, le droit du culte, l’histoire et la sociologie des religions en France, la gestion des associations culturelles. Elle reste cependant facultative et n’aborde pas les questions théologiques de la deuxième religion de France, en vertu de la séparation de l’Eglise et de l’Etat.