JUSTICELibération de Kermiche: «Quand on est magistrat, on prend des décisions!»

Libération d’Adel Kermiche: «Quand on est magistrat, on prend des décisions. C’est ainsi!»

JUSTICELa juge qui a permis la libération de l’un des terroristes de Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime) est sous le feu des critiques…
Vincent Vanthighem

V.V.

«On n’arrive pas forcément à dormir… » D’une phrase, Pascale Loué Williaume, secrétaire nationale de l’Union syndicale des magistrats (classée à droite), résume l’état d’esprit des juges français deux jours après l’attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime) qui a coûté la vie au prêtre Jacques Hamel.

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L’enquête n’a pas mis longtemps à établir qu’Adel Kermiche, l’un des deux terroristes, avait été libéré de prison, le 18 mars 2016, équipé d’un bracelet électronique alors qu’il avait fait l’objet d’un signalement pour des faits de radicalisation. Sitôt révélée, cette information s’est muée en une violente diatribe envers la justice française.

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« Ces critiques sont aussi inadmissibles qu’injustes », poursuit Pascale Loué Williaume. Injuste car la décision de la juge qui a remis Kermiche en liberté a été confirmée par trois autres magistrats compétents et expérimentés lors d’une audience devant la chambre de l’instruction. « Et inadmissibles car il est toujours facile de refaire l’histoire a posteriori », poursuit la magistrate.

« Et s’il s’était suicidé en prison ? »

Avec des « si » on mettrait Paris en bouteille. Et l’attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray n’aurait pas eu lieu. Ancienne présidente de la cour d’assises de Paris, Michèle Bernard-Requin propose même une autre version de l’affaire. « S’il était resté en détention et qu’il s’était suicidé ? interroge-t-elle. Qu’aurait-on dit alors à la juge ? »

La réflexion est d’autant plus pertinente qu’Adel Kermiche était, selon Le Monde, la cible de troubles psychologiques depuis l’âge de six ans et a fait état devant la juge qui l’a libéré de pensées suicidaires. « La seule sécurité, c’est la détention provisoire, reconnaît Michèle Bernard-Requin. Mais cela peut poser d’autres problèmes. Je me souviens d’un réseau d’Albanais condamnés pour des faits de proxénétisme en France. Une fois incarcéré, l’un des membres du réseau a continué à gérer son affaire depuis sa cellule… » En clair : ce n’est pas forcément derrière les barreaux qu’Adel Kermiche aurait abandonné son idéologie meurtrière.

« Assumer que l’opinion publique ne nous aime pas »

« Quand on est magistrat, on prend des décisions. C’est ainsi, tranche Pascale Loué Williaume. L’échec est toujours possible comme pour n’importe quel être humain. Ce qui s’est passé est un échec. » Mais pas de nature à remettre en cause toute l’institution judiciaire selon les juges qui se serrent logiquement les coudes.

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« On ne peut pas être insensibles, poursuit Michèle Bernard-Requin, l’ancienne présidente de la cour d’assises. Mais il faut assumer le fait que l’opinion publique – qui n’admet pas la décision qui s’avère après coup inopportune – ne nous aime pas. »

Sanctionner les juges qui commettent des erreurs ?

Pareil pour la classe politique. Dans la foulée de l’attentat, plusieurs élus sont montés au créneau pour réclamer un durcissement de la politique pénale. A mots couverts, certains demandent même la possibilité que les juges soient sanctionnés s’ils commettent des erreurs d’appréciation, oubliant au passage l’indépendance indispensable de la justice.

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Déjà en 2005, alors qu’il était ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy avait déclaré que le juge qui avait remis en liberté le meurtrier de Nelly Crémel devait « payer pour sa faute ». Cela fait toujours rire jaune Michèle Bernard-Requin. « C’est une mauvaise idée. Inconsciemment, le risque de sanction pèserait sur le travail au quotidien. Nous aurions alors des juges qui ne prendraient pas de risque dans leurs décisions car ils auront peur d’être sanctionnés. » Et la justice ne serait plus vraiment… juste.