Intempéries: Aurait-on pu mieux gérer les crues?
INONDATIONS•Les intempéries qui ont causé quatre morts et fait de nombreux dégâts matériels auraient-elles pu être mieux anticipées?...Caroline Politi
Le calme après la tempête. Après une semaine de pluies torrentielles qui ont entraîné des inondations dans un large quart nord-est du pays, les communes dévastées commencent à panser leurs plaies et les autorités à tirer les leçons de cette catastrophe. Car la crue centennale guette toujours.
Les autorités étaient-elles bien préparées ?
« On n’empêchera jamais la Seine de monter ni de sortir de son lit mais nous sommes préparés ! », assure le général Sepot, chef d’état-major de la zone de défense et de sécurité d’Ile-de-France. Fin mars, un exercice de simulation d’une crue majeure, de l’ampleur de celle de 1910, avait été organisé en Ile de-France. « Cet exercice a été très bénéfique dans la gestion de crise, notamment au niveau de la coordination des services », précise-t-il.
Mais de la théorie à la pratique, il y a un monde dont les inondations de la semaine dernière sont la preuve. Mercredi, à Paris, l’eau est montée de deux mètres dans la journée et un mètre le lendemain, déjouant toutes les modélisations des spécialistes. En cause : l’ampleur des précipitations – il est tombé en 48 heures en Ile-de-France ce qu’il tombe d’ordinaire en deux mois – et la saturation des bassins de désengorgement – remplis à 90 % avant même le début des intempéries. « Ça nous a un peu surpris, reconnaît le général Sepot mais dans le fond, ça n’a pas changé grand-chose. Nous étions déjà en place puisqu’on se prépare à bien pire. »
Les prévisions auraient-elles pu être plus précises ?
La Seine devait atteindre son niveau maximum vendredi midi, il aura finalement fallu attendre samedi à 2 heures du matin. Elle ne devait pas dépasser 5,90 mètres à Paris, elle est montée à 6,10 mètres. « Les prévisions ne sont pas une science exacte, note d’emblée Bruno Janet, hydrologue à Vigicrues. De nombreuses prévisions ne peuvent pas être anticipées, c’est pour cette raison que les bulletins sont sans cesse actualisés ».
Les outils de mesure des crues ont cependant prouvé qu’ils n’étaient pas efficaces à 100 % : les capteurs de la station automatique d’Austerlitz se sont déréglés jeudi soir à cause des déchets dragués par le courant… D’où une sous-estimation pendant plusieurs heures du niveau réel de la Seine. Des relevés manuels ont été nécessaires pour calculer la hauteur exacte de la Seine.
Autre difficulté : l’évaluation des petits cours d’eau dont l’influence a été primordiale dans cet épisode de crue. Or, les 1500 capteurs sont principalement situés sur les gros axes. Peut-on augmenter le nombre de capteurs comme le réclame la ministre de l’Ecologie ? « Chaque station nécessite une surveillance humaine et donc des moyens financiers. Installer des capteurs sans en analyser les données n’aurait pas de sens », relativise l’hydrologue.
Le système d’alerte a-t-il bien fonctionné ?
« Les cours d’eau à l’origine des inondations ont été placés en vigilance très tôt », assure Bruno Janet, qui se défend d’avoir sous-évalué les risques. Et de citer l’exemple du Loing, l’affluent de la Seine à l’origine des inondations catastrophiques à Nemours ou Montargis, qui a été placé en alerte rouge le 31 mai et le 1er juin selon les zones, soit près de 24 heures avant que la rivière ne sorte de son lit.
En cas d’alerte, le préfet avertit les maires des communes concernées. En théorie. « C’est le poissonnier qui m’a envoyé un texto mercredi à 5h18 pour me dire que l’Yvette était en crue et qu’il y avait de l’eau jusque dans le centre-ville », se souvient Sandrine Grelot, la maire Les Républicains de Longjumeau (Essonne). La veille au soir pourtant, elle s’était assurée auprès du syndicat de l’Yvette, la rivière qui traverse la commune, qu’il n’y avait pas de risque d’inondation. On la rassure, le bassin de débordement n’est pas plein, le risque est contenu. L’édile envoie malgré tout sa police municipale prévenir les habitants qui résident le long de la rivière « mais on n’a pas du tout fait le tour des habitations aujourd’hui inondées, on n’imaginait pas des dégâts d’une telle ampleur », se désole-t-elle ce lundi.
« Les communes réagissent toujours dans l’urgence », déplore Françoise Piton, secrétaire générale de l’Union nationale des associations de lutte contre les inondations. Toutes les villes à proximité de cours d’eau sont tenues de se doter d’un plan de sauvegarde communal. Une « coquille vide », selon la responsable associative. « Vous en connaissez beaucoup vous des mairies qui organisent des réunions d’information tous les deux ans comme c’est prévu par la loi ? »
Les populations auraient-elles pu être mieux protégées ?
Selon le gouvernement, les intempéries ont d’ores et déjà fait 24 blessés et 4 morts : un enfant qui s’est noyé dans la cave inondée de sa maison dans l’Yonne, un cavalier de 74 ans emporté par les eaux en Seine-et-Marne, une sexagénaire retrouvée morte dans son jardin du Loiret et une octogénaire dont les circonstances de la mort n’ont pas été précisées. Ce bilan était-il inévitable ? En Allemagne, touchée au même moment que la France par des inondations similaires, neuf personnes sont mortes pendant les intempéries.
Si, comme tous les acteurs du secteur aiment à le rappeler, le « risque zéro » n’existe pas, les intempéries ont néanmoins mis en lumière certaines failles, notamment dans la prévention des populations. Sur LCI, la ministre de l’Ecologie, Ségolène Royal a indiqué qu’elle souhaitait que toutes les mairies se dotent d’alertes sonores pour avertir les habitants d’une inondation imminente. Un manque qu’a constaté la maire de Longjumeau : « on n’était pas du tout équipés pour faire face à une telle catastrophe : on n’a pas de sirène et qu’un seul mégaphone ». Quant au fichier SMS, non seulement il n’est pas complet mais avec les coupures d’électricité, les portables se retrouvent rapidement à plat.
« Il est également nécessaire d’éduquer les populations aux gestes qui sauvent, assure la secrétaire générale de l’Union nationale des associations de lutte contre les inondations. Dans l’urgence, les gens ne savent pas comment se comporter, certains vont même chercher leur voiture dans la cave pour la mettre à l’abri et se retrouvent piégés. »