La revalorisation du salaire des profs les fera-t-elle voter à gauche?
EDUCATION•A un an de la présidentielle, les mesures annoncées ressemblent à une opération de reconquête électorale...Anissa Boumediene
C’est cadeau. Augmentation générale à compter du 1er janvier 2017, carrières accélérées pour les enseignants les plus engagés : ce mardi, Najat Vallaud-Belkacem a annoncé une revalorisation de ses fonctionnaires et de leur rémunération qui atteindra un milliard d’euros en 2020. Forcément, ces mesures devraient être assez bien accueillies. Mais à moins d’un an de la présidentielle, ça pourrait sonner comme une opération reconquête de l’électorat enseignant, qui vote traditionnellement à gauche.
Prime et (re) valorisation
Mauvaise élève, la France compte parmi les pays de l’OCDE qui rémunèrent le moins bien leurs enseignants. Dont acte, la ministre de l’Education nationale s’est saisie du problème.
Mardi, elle a annoncé pêle-mêle la valorisation du parcours des enseignants, notamment ceux qui officient en réseau d’éducation prioritaire (REP), qui pourront bénéficier d’une accélération de carrière, ainsi qu’un alignement de l’indemnité annuelle perçue par les professeurs des écoles, actuellement de 400 euros, sur la prime que touchent leurs collègues du second degré fixée, elle, à 1.200 euros.
« Il était temps !, s’exclame Sabrina, institutrice en maternelle. Ça fait une trentaine d’années que les profs de collèges et lycées perçoivent cette prime. Nous, ça fait à peine trois ans qu’on la touche, et elle est trois fois plus faible que la leur ». « Oui, mais j’aurais préféré une augmentation de salaire plus franche plutôt qu’une prime », regrette Mélodie, sa collègue. « C’était sur la liste de nos revendications, on l’a voulue, on l’a eue, on ne va pas râler ! », tempère Annie, institutrice elle aussi, contente de récupérer 800 euros de plus. Une somme à laquelle vient s’ajouter le dégel du point d’indice des fonctionnaires. « En pratique, cela correspond à une revalorisation de 0,6 %, c’est quand même très faible », souligne Frédérique Rolet, porte-parole du SNES-FSU, le syndicat majoritaire du second degré (collèges et lycées). « La France a tellement de retard sur la rémunération de ses enseignants, estime-t-elle. Cela rattrape un peu les dégâts mais ce n’est pas suffisant ».
« Si c’est une opération séduction, pas sûre qu’elle fonctionne »
Mais est-ce suffisant pour regagner l’amour de l’électorat enseignant ? Parmi les autres mesures annoncées par Najat Vallaud-Belkacem : l’augmentation de tous les profs prévue à compter du 1er janvier 2017, soit moins de quatre mois avant l’élection présidentielle, Frédérique Roulet n’est « pas dupe ». « Les nouvelles grilles indiciaires, c’est sûr, c’est une étape de revalorisation certaine. Mais si tout ça n’est qu’ une opération séduction et reconquête de l’électorat enseignant en vue de la présidentielle, je ne suis pas sûre qu’elle fonctionne », tacle-t-elle. « Forcément, les enseignants porteront un regard positif à cette hausse de leur pouvoir d’achat. Mais plutôt qu’un joli cadeau, ils n’y verront que la réparation d’un manque qu’ils dénonçaient depuis longtemps ». Un scepticisme partagé par beaucoup de collègues.
aa« Malgré toutes ces mesures, des malaises demeurent dans la profession. Elles ne suffiront pas à résoudre les autres problèmes que posent la réforme du collège et l’absence de réforme du lycée ». Même sentiment du côté des professeurs des écoles. «La réforme des rythmes scolaires a été du grand n’importe quoi », condamne Sabrina. « Plutôt de gauche », la jeune femme « ne sai [t] pas encore pour qui [elle] voter [a] l’année prochaine ». « Si je vote à gauche, ce sera sans doute moins par adhésion que pour contrer la droite et l’extrême droite ». Bref, pour satisfaire ses électeurs enseignants, le gouvernement risque de devoir réviser sa copie.