VIDEO. «Haine anti-flics»: Appelés à manifester, nos policiers sont-ils en train de craquer?
SECURITE•Les forces de l’ordre sont appelées à se rassembler dans toute la France ce mercredi par les syndicats pour dénoncer « la haine anti-flics »…Florence Floux
Ils n’ont pas le droit de grève. Mais c’est la seconde fois en quelques mois que les syndicats policiers appellent à manifester, ce mercredi. Après un mois et demi d’affrontements entre forces de l’ordre et manifestants anti-loi El Khomri et casseurs, la majorité des représentations syndicales policières ont décidé de se donner rendez-vous place de la République à Paris, et partout en France pour dire stop « à la haine anti-flics ».
A l’origine de cet appel, la diffusion d’affiches de l’InfoCom-CGT, il y a quelques semaines, présentant une matraque de CRS baignant dans une flaque de sang. D’autres ont ensuite suivi. « On en a marre qu’on nous fasse passer pour des voyous. Certaines confédérations attisent la haine, tout ça n’est pas responsable », commente Fabien Vanhemelryck, du syndicat Alliance, qui a lancé l’appel du 18 mai. Le secrétaire national du syndicat majoritaire rappelle également que 300 fonctionnaires de police ont été blessés au cours des affrontements. « Il y a eu une augmentation soudaine de la violence, estime Fabien Vanhemelryck. Il faut que cela cesse. »
Des consignes problèmatiques
Si les syndicats sont d’accord pour appeler les policiers à se réunir ce mercredi, ils ne partagent pas tous le même mot d’ordre. Pour la CGT-Police, il s’agit davantage d’inviter la population à venir discuter avec les policiers : « Il n’y a pas plus de haine anti-flics aujourd’hui qu’hier », affirme le communiqué du syndicat, qui « invite toute la population à venir rencontrer ses policiers, discuter avec eux ». « C’est contre-productif de parler de haine anti-flics, indique Alexandre Langlois, secrétaire national du syndicat. C’est tout aussi idiot que les affiches de l’InfoCom-CGT. » Le syndicat a par ailleurs invité #NuitDebout à venir participer aux échanges place de la République.
Les mots d’ordre diffèrent, mais le constat sur les faits reste le même pour tous : les consignes de la part des donneurs d’ordre rendraient le travail des fonctionnaires plus compliqués, lors des manifestations. « Notre hiérarchie aux ordres des politiques (…) laisse les casseurs attaquer nos collègues en toute impunité, tout en n’assurant pas la sécurité de la population », dénonce la CGT-Police. Alliance s’interroge également : « On reçoit l’ordre d’interpeller lorsque les casseurs ont déjà infiltré les cortèges et que cela devient dangereux à la fois pour les vrais manifestants et pour les policiers. A qui profite cette situation ? S’agit-il d’une tentative pour décrédibiliser le mouvement contre la loi El Khomri ? » demande Fabien Vanhemelryck.
« Les policiers sont fatigués »
Laurent Mucchielli, chercheur au CNRS et spécialiste de la police, se pose également la question. « On manque de lumière sur les stratégies d’affrontements de la police avec les casseurs. Ces individus sont bien connus des renseignements, mais on manque de stratégies préventives », analyse-t-il. Pour le chercheur, les policiers se trouvent aujourd’hui pris entre plusieurs feux : « Les fonctionnaires sont fatigués, ils ne peuvent pas prendre leurs congés du fait du plan vigipirate, et ils se retrouvent en première ligne entre l’instrumentalisation politique et les tensions sociales. »
« On est dans une politique à court terme, renchérit Alexandre Langlois de la CGT-Police. On a des effets d’annonce qui ne sont pas suivis dans les faits. Aujourd’hui, vous avez des gardiens de la paix qu’on met directement sur le terrain sans leur avoir fait suivre leurs trois mois de stage réglementaires. Certains cours ne sont plus assurés dans les écoles de police par manque de formateurs, mais les policiers sont tout de même affectés dans les services. » Pour Alliance, les heurts entre policiers et casseurs des dernières semaines sont « la goutte qui fait déborder le vase ». « La violence est tous les jours dans les rues, estime Fabien Vanhemelryck. Mais aujourd’hui, les individus n’ont plus peur parce qu’il y a une forme d’impunité. »
Si on connaît le nombre de blessés parmi les forces de l’ordre depuis le début des manifestations, le nombre de personnes blessées par les policiers au cours des affrontements est lui difficilement estimable. « La violence se trouve des deux côtés », juge Laurent Mucchielli. De nouvelles manifestations sont prévues jeudi.