Attentats de novembre: La témoin qui a permis l'arrestation d'Abaaoud témoigne
TERRORISME•Le témoin revient sur sa rencontre avec le terroriste quelques jours après les attentats...Clémence Apetogbor
Elle avait permis de localiser Abdelhamid Abaaoud, l’instigateur présumé des attentats du 13 novembre, cinq jours après les faits, à Saint-Denis.
Près de cinq mois après les attentats perpétrés à Paris et à Saint-Denis, cette femme, qui souhaite rester anonyme, pour préserver sa sécurité, s’est confiée au journal américain Washington Post, repris en français par RTL.
Une mère de substitution pour Hasna Ait Boulahcen
Ce témoin dit avoir été pendant plusieurs années telle une mère de substitution pour Hasna Ait Boulahcen, la cousine d’Abaaoud. La femme d’une quarantaine d’années raconte que la jeune femme de 26 ans, en dépit de ses addictions et autres déboires, était une jeune fille « qui (les) faisait toujours rire ».
Mais en 2014, la vie de Hasna Ait Boulahcen prend un nouveau tournant. Elle commence à « échanger avec quelqu’un en Syrie » via l’application WhatsApp, sans révéler l’identité de son interlocuteur.
Toutefois, le timing de ces échanges correspond à celui des séjours d’Abdelhamid Abaaoud en Syrie.
Sa rencontre avec Abdelhamid Abaaoud
La mère de substitution de la jeune fille revient ensuite sur les événements postérieurs aux attentats de novembre et sa rencontre avec Abdelhamid Abaaoud.
Le 15 novembre, Hasna reçoit un appel d’un numéro provenant de Belgique. L’interlocuteur, qu’elle ne connaît pas, dit appeler de la part de son cousin et lui demande son aide.
« Je ne vais pas entrer dans les détails. Tu as vu ce qu’il s’est passé à la télévision », lui dit son interlocuteur, expliquant que son cousin a besoin d’une planque pour « seulement un jour ou deux ».
Abdelhamid Abaaoud étant traqué par les autorités, les deux femmes pensent que Younes Abaaoud, le jeune frère d’Abdelhamid parti en Syrie en 2014, est la personne à qui Hasna, qui est également sa cousine, doit venir en aide.
« Elle avait l’air heureuse et répétait : "j’espère que c’est pas une blague" », rapporte le témoin. Elle et son mari accompagnent alors Hasna à Aubervilliers, où Abdelhamid Abaaoud s’est réfugié dans un buisson quelques heures seulement après les attentats.
Lorsqu’il sort de sa cachette, Hasna reconnaît Abdelhamid et lui saute au cou. Les deux femmes et le terroriste retournent vers le véhicule conduit par le mari de la témoin.
Abdelhamid Abaaoud méfiant
Cette dernière remarque qu’Abdelhamid Abaaoud est méfiant. Le jeune homme a même un mouvement de recul et semble prêt à sortir une arme quand il voit l’homme au volant.
Sa cousine le rassure et il accepte de monter à bord du véhicule avant de changer d’avis et de descendre quelques minutes plus tard.
Alors que le véhicule redémarre, le téléphone d’Hasna Ait Boulacem sonne. « Tu peux dire au petit couple que mes frères s’occuperont d’eux si jamais ils parlent », menace Abdelhamid Abaaoud.
De retour chez eux, le témoin explique qu’elle a tenté de saoûler Hasna Ait Boulahcen en lui proposant un verre de vin pour la convaincre d’appeler la police, trop effrayée pour appeler elle-même. Le lendemain, elle entre malgré tout en contact avec la Sous-direction anti-terroriste (SDAT) alors que la jeune femme s’est absentée.
Un témoin « abandonné par l’Etat »
Puis tout s’accélère. Le 18 novembre, la police mène à Saint-Denis un assaut contre un appartement où se terre et où périra quelques heures plus tard l’organisateur des attentats du 13 novembre, sa cousine et un homme identifié comme étant Chakib Akrouh.
« C’est important que le monde sache que je suis moi-même musulmane », a confié la femme qui a permis la neutralisation d’Abdelhamid Abaaoud aux journalistes du Washington Post. « C’est important pour moi que les gens sachent que ce qu’Abaaoud et les autres ont fait, ce n’est pas ce qu’enseigne l’Islam ».
Quinze jours après les attentats, le journal conservateur Valeurs Actuelles avait été le premier à publier des extraits édifiants du procès-verbal contenant son témoignage. Elle avait également livré sa version des faits à BFMTV et RMC, disant se sentir « abandonnée par l’Etat ».