Attentats de novembre: Le Bataclan était visé par un proche de Fabien Clain dès 2009
COMPTE RENDU•L’information avait été publiée par « Le Canard Enchaîné » un mois après les attaques du 13 novembre…Hélène Sergent
C’est une lourde tâche qui attend les députés membres de la Commission d’enquête relative aux « moyens mis en œuvre par l’Etat pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier 2015 ». Entamé lundi 15 février avec l’audition de nombreuses victimes et proches de victimes des attaques du 13 novembre dernier, le travail des élus s’est poursuivi ce mercredi après-midi avec les interventions d’avocats spécialisés dans les affaires de terrorisme et les témoignages de victimes et de leurs familles.
« C’est du bricolage »
Me Samia Maktouf aurait de quoi céder au « scepticisme ». Avocate de nombreuses parties civiles sur les affaires Merah, Charlie Hebdo, Hyper Cacher ou du 13 novembre, elle accompagne depuis les prémices de la mouvance djihadiste française, victimes et proches de victimes. Pourtant dès le début de son intervention, elle a notifié sa volonté de témoigner pour faire « évoluer » la prise en charge des terroristes comme de leurs victimes.
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Face aux députés, elle a dit avec force son incompréhension quant à l’inertie des pouvoirs publics depuis les tueries de Toulouse et Montauban perpétrées en 2012 par Mohamed Merah. « Il n’y a pas eu d’évolution dans les moyens mis en place par l’Etat puisqu’il y a eu d’autres attentats et d’autres victimes. » Rappelant les liens entre les terroristes de différentes filières (Artigat, Les Buttes Chaumont…), tous connus ou presque des services de renseignement, l’avocate a appelé à davantage de coopération entre les autorités judiciaires et plus de moyens pour les pôles antiterroristes chargés des enquêtes.
« Les choses ne se sont pas améliorées depuis Merah »
La mine sombre, Me Olivier Morice, chargé de défendre le père et la sœur d’un homme tué lors des attaques du 13 novembre, a immédiatement tenu à dénoncer « l’absence de l’autorité judiciaire » dans les récentes mesures votées et annoncées pour lutter contre le terrorisme. L’avocat pénaliste est intervenu sur les dossiers Merah (2012) et de l’attentat du Caire (2009) qui a coûté la vie à une lycéenne française, Cécile Vannier.
« Il n’y a eu aucune mesure particulière prise avant les attentats du 13 novembre alors que l’on sait dès l’été 2015 qu’une salle de spectacle va être visée », s’est étonné Me Morice avant de poursuivre : « Or la salle du Bataclan était visée, on le sait, et elle était visée parce que son propriétaire de l’époque était juif. » Interrogé par le député socialiste François Lamy sur la véracité des menaces visant la salle, Olivier Morice a cité des éléments du dossier et a ainsi confirmé une information publiée en décembre par Le Canard Enchaîné. Non seulement la salle était menacée depuis plusieurs années, mais elle l’était par un proche de Fabien Clain, djihadiste identifié comme « la voix » sur la vidéo revendiquant les attaques du 13 novembre.
« « Les plans des salles de spectacle n’auraient même pas été transmis puisque la BRI n’avait pas le plan du Bataclan » Me O.Morice #ComEnquete — helenesergent (@helenesergent) February 17, 2016 »
« La colère ? C’est trop faible »
Des informations difficiles à digérer pour le père d’un homme, tué aux côtés de sa femme, au Bataclan. « La colère, c’est trop faible pour exprimer ce que l’on ressent quand on découvre dans la presse que le Bataclan faisait l’objet depuis des années de menaces », a-t-il lancé aux élus, la gorge serrée.
Réitérant les critiques des avocats sur la mauvaise transmission d’informations entre services, le témoin n’a pu cacher son exaspération et sa résignation aux députés : « Rien n’a été fait depuis le 7 janvier ! Rien ! Si les informations sur le Bataclan avaient été correctement transmises, mon fils serait peut-être en vie. » Les auditions doivent se poursuivre, les députés devraient rendre la conclusion de leurs travaux d’ici le mois de juillet.