Etat d'urgence: Le Conseil d'Etat doit trancher sur le «risque de dérive»
JUSTICE•Ce vendredi, la plus haute juridiction administrative étudie le cas de sept militants écologistes assignés à résidence...Hélène Sergent
Le conseil d’Etat va-t-il annuler les assignations à résidence de sept militants écologistes ? C’est ce qu’espèrent ces requérants, bloqués à leurs domiciles depuis près de dix-huit jours et contraints de pointer trois fois par jour à l’hôtel de police. Etudiants, en recherche d’emploi ou salariés domiciliés à Rennes (Ille-et-Vilaine), Malakoff (Hauts-de-Seine) ou Melun (Seine-et-Marne), les sept assignés ont tous été déboutés une première fois par les tribunaux administratifs.
Quand bien même leur assignation à résidence ne court que jusqu’à samedi, soit jusqu’à la fin de la COP21, l’avis rendu ce vendredi par le conseil d’Etat pourrait faire jurisprudence alors que le débat sur les exigences sécuritaires et les libertés publiques ne fait que commencer en France.
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Un seul dossier étudié sur le fond
« Ils n’ont même pas été convoqués à l’audience à Rennes et n’ont jamais vu leur juge. Le tribunal s’est contenté de nous expliquer qu’il n’y avait aucun caractère d’urgence à lever ces assignations et que ça n’était pas bien grave si un étudiant loupait ses cours à l’université ! », s’étonnait Marie Dosé lorsque les recours de ses cinq clients rennais avaient été rejetés une première fois, motivant ainsi le dépôt d’un ultime recours devant le conseil d’Etat.
« ASSIGNÉ.E.S À RÉSISTANCE ! #conseildetat #assignation #etatPolicier pic.twitter.com/NsB5nuTY56 — NnoMan (@NnoMan1) December 11, 2015 »
Assignés à résidence au nom de « la gravité de la menace » qu’ils représentaient « pour l’ordre public », selon les mots du ministère de l’Intérieur, les sept militants écologistes espèrent obtenir l’annulation de leurs ordonnances d’assignation basées selon eux sur motif différent de celui qui a provoqué l’état d’urgence, à savoir la lutte contre la menace terroriste.
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Les requérants ont reçu par ailleurs le soutien de la Ligue des Droits de l’Homme (LDH). « La loi du 20 novembre a élargi les termes et le cadre des mesures contenues dans l’état d’urgence. Désormais les décisions peuvent porter sur les intentions et non plus sur les actes et cela nous inquiète », détaille Françoise Dumont, présidente de la LDH. L’avocat Patrice Spinosi, représentant la LDH, a lui appelé le Conseil d’Etat à poser « une première pierre » dans « un combat de droit » pour « limiter les dérives de l’Etat policier ».
Au cours de l’audience ce vendredi, le rapporteur, dont les avis sont souvent suivis, a défendu sur le fond les assignations en résidence, mais demandé un meilleur contrôle par le juge, faisant part notamment de son « profond désaccord » avec les tribunaux administratifs qui dans six cas ont rejeté les demandes de levée des assignations sans même tenir d’audience, en estimant qu’il n’y avait pas d’urgence. La décision finale devrait être rendue dans le courant de la soirée.