REPORTAGEAttentats à Paris: «J’ai vu des hommes tirer rue de Charonne et les clients en terrasse se sont tous effondrés».

Attentats à Paris: «J’ai vu des hommes tirer rue de Charonne et les clients en terrasse se sont tous effondrés».

REPORTAGERue de Charonne, en plein cœur du XIeme arrondissement de Paris, l’attaque terroriste a fait au moins dix-neuf victimes…
Delphine Bancaud

Delphine Bancaud

Des traces de sang au sol et des impacts sur la devanture des restaurants La Belle équipe et Sushi maki, le périmètre de sécurité vient à peine d’être levé en ce début de samedi après midi devant le 90 rue de Charonne (11e arrondissement de Paris), que des centaines de personnes affluent sur les lieux de l’un des attentats de la veille, où 19 personnes ont perdu la vie. Le front appuyé sur le rideau de fer baissé de La Belle équipe, un homme sèche ses larmes. C’est Mohammed Idir Taouil, le propriétaire des murs. « Avant-hier, j’étais avec la patronne du restaurant, mais aujourd’hui elle est morte, comme plusieurs personnes qui travaillaient là. C’étaient des gens bien. Pourquoi les terroristes sont venus faire un carnage ici ? Parce que c’était une brasserie bien placée entre Bastille et Nation ? », interroge-t-il désespéré.

Des fleurs et des bougies devant le restaurant La belle équipe, rue de Charonne, qui a été la cible d’une attaque terroriste. – D.Bancaud/20minutes


« Ça n’a pas duré plus que trois minutes »

Tout aussi bouleversé André, qui habite à deux pas, était dans cette même rue quand les terroristes sont arrivés : « Au début, j’ai cru à des pétards et puis j’ai bien compris qu’il s’agissait de rafales de kalachnikov. Je me suis plaqué le long du mur et j’ai attendu qu’ils s’en aillent pour aller porter secours aux victimes. Quand je suis arrivé devant La belle équipe, ce que j’ai vu était atroce. Toutes les personnes qui dînaient en terrasse étaient à terre et le trottoir était couvert de sang. Un garçon tenait une fille entre ses bras pour tenter de la maintenir consciente. Les pompiers sont arrivés 10 minutes plus tard ». Pour lui, « les terroristes avaient certainement préparé l’attentat. Car ils ont agi très vite et méthodiquement ». Jean-Luc a lui aussi assisté au carnage : « Je sortais de la rue d’en face quand j’ai vu deux hommes tirer. Les clients en terrasse se sont tous effondrés par terre et les gens criaient. Ça n’a pas duré plus que trois minutes. J’ai vu ensuite les terroristes reprendre leur voiture et redescendre la rue de Charonne ».


Devant le restaurant La Belle équipe, rue de Charonne, où 19 personnes ont été tuées. – D.Bancaud/20minutes


Jean-Luc qui habite au-dessus des deux restaurants visés a lui aperçu de sa fenêtre les terroristes : « J’ai vu deux hommes en jean, baskets et blouson foncé. Ils avançaient à visage découvert. Ils tenaient leur arme à la hanche et tiraient à la fois en rafale, puis balle par balle. Quand ils sont partis, je suis descendu avec ma trousse de secours et j’ai essayé d’arrêter le sang d’une victime », raconte-t-il tremblant. Pour un autre témoin qui a suivi le drame de sa fenêtre et préfère garder l’anonymat, les terroristes « arrivés dans une grosse berline noire auraient vidé au moins trois chargeurs. Car ils s’arrêtaient de tirer et recommençaient. L’un d’eux m’a vu, alors je me suis couché par terre et j’ai appelé le 15 ».


Un passant vient déposer une bougie devant la devanture de La belle équipe, où 19 personnes sont mortes le 13 novembre 2015. – D.Bancaud/20minutes


Un carrefour propice à la fuite

Catherine, une habitante du quartier, a aussi besoin de raconter ce qu’elle a vécu la veille : « Quelques minutes après la tuerie, je me suis rendue sur place car je connaissais deux serveurs de La belle équipe et je craignais qu’ils fassent partie des victimes. Mais heureusement, ils ne travaillaient pas ce jour-là. La plupart des victimes au sol, principalement des jeunes, ne bougeaient plus. Seules quelques personnes étaient encore conscientes », déclare-t-elle. Quant au choix de ce lieu par les terroristes, Catherine estime qu’il n’a pas été visé en raison d’une quelconque connotation : « Le restaurant La belle équipe est fréquenté par des jeunes de toutes origines et de tous les styles. Ce lieu a été repéré parce que ça terrasse était souvent bondé. Et parce qu’il est situé à un carrefour, qui permettait aux terroristes de partir rapidement », estime-t-elle.


La vitre brisée du Maki Sushi, un restaurant rue de Charonne, visé par les terroristes le 13 novembre 2015. – D.Bancaud/20 minutes


Une heure plus tard, la foule autour des deux restaurants a doublé, ainsi que les cierges et les bouquets. Marie, des roses à la main est venue aussi rendre hommage aux victimes : « Ces gens étaient venus pour partager un moment de convivialité, finalement ils sont morts ensemble ».