Harcèlement scolaire: «C'est une prof qui m'a convaincue de parler»
VOUS TEMOIGNEZ•Alice a été harcelée une première fois en classe de 6e, puis en 5e…Charlotte Murat
Tout a commencé lors d’un voyage scolaire. Rentrée en 6e dans un collège tranquille du Nord-Pas-de-Calais depuis quelques semaines, Alice* était en Allemagne avec son école. « Là, une élève de 3e m’a pris en grippe. Elle m’insultait et m’humiliait devant les autres. » Trop petite pour se défendre, la jeune fille, alors âgée de 11 ans, est incapable de contre-attaquer, ni de se confier à un adulte. « A force de me faire humilier, je me sentais coupable et puis j’espérais que ça aller se tasser. »
Mais sa harceleuse ne se lasse pas et Alice endure les brimades pendant des mois. « J’avais quasiment arrêté de manger. A la maison, mes parents se sont bien rendu compte que quelque chose n’allait pas. Mais je n’arrivais pas à parler et surtout je n’ai pas réalisé que cela avait un rapport avec ce qui se passait à l’école. Alors on s’est dit que ça devait être lié au passage de la primaire au collège. » Et le calvaire continue. Jusqu’au jour où une prof voit Alice en train de se faire harceler. « Elle m’a tout de suite dit qu’il fallait que j’en parle à mes parents, elle m’a convaincue. J’ai été prise d’un élan de courage et j’ai répété mot pour mot ce qu’elle m’avait dit de dire à ma mère. Ce n’était pas mes mots, mais les siens. » Au collège, le nécessaire est fait contre la harceleuse. Alice peut passer sereinement en 5e.
« Personne ne pouvait voir que je n’allais pas bien »
Du moins c’est ce qu’elle croyait. Car la rentrée à peine passée, trois filles de sa classe commencent à s’en prendre à elle. « C’était les filles populaires. Ça a commencé tout doucement. Elles me faisaient des remarques sur mes vêtements, sur le fait que j’étais bonne en classe, que je répondais aux questions des profs. Avec ce qui m’était arrivé en 6e, j’étais devenue très timide, je ne savais pas comment réagir. » A la maison, ses parents ne s’aperçoivent de rien, au collège, les profs non plus. « Cette fois je n’ai pas eu de troubles alimentaires, personne ne pouvait voir que je n’allais pas bien. »
Alice a supporté ce nouveau harcèlement pendant presque toute l’année, en gardant le silence. « C’était très difficile de le dire à mes parents, parce que je ne voulais pas les refaire souffrir, leur dire que ça recommençait. » Alors elle a écrit des lettres, a couché sa peine et son mal-être sur le papier. Et sa mère les a trouvées, un jour, par hasard. « Elle les a montrées au CPE de mon collège et j’ai vu un psy pour comprendre que cette situation n’était pas de ma faute. » La collégienne ne change pas d’établissement, mais se retrouve à l’abri en 4e. « Les profs étaient au courant de ce qui m’était arrivé et les gens de ma classe m’ont vraiment aidé à reprendre confiance en moi. » La jeune fille passe enfin une année tranquille.
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En classe de 3e avec ses harceleuses de 5e
Mais ironie du sort, l’ado, aujourd’hui âgée de 14 ans, est cette année en 3e avec ces même trois adolescentes qui lui ont fait vivre un enfer il y a deux ans. « Au début de l’année, ma mère est allée voir le proviseur pour qu’on me change de classe. Mais il a dit que ce n’était pas possible à cause de mes options. Alors je suis restée. Mais elles ne me font plus peur. Et puis surtout, elles ne sont pas idiotes, elles savent qu’elles sont sous surveillance. Quant à moi, j’ai bien retenu la leçon et si je suis à nouveau victime de harcèlement, je saurais en parler tout de suite pour que ça cesse. »
*Le prénom a été modifié