SOCIETEDeux ONG saisissent la justice contre «les insuffisances» de la «Jungle» de Calais

Deux ONG saisissent la justice contre «les insuffisances» de la «Jungle» de Calais

SOCIETEPlus de 6.000 migrants vivent dans cette zone...
20 Minutes avec AFP

20 Minutes avec AFP

Hébergement, sécurité, asile… Arguant d'« insuffisances criantes » de la part des pouvoirs publics, deux ONG ont décidé de saisir la justice pour contraindre l’Etat à prendre des mesures en urgence sur la « Jungle » de Calais (Pas-de-Calais), où 6.000 migrants vivent dans des conditions insalubres.

Médecins du monde et le Secours catholique, accompagnés de représentants des habitants du bidonville, ont annoncé avoir déposé lundi un recours en référé-liberté devant le tribunal administratif de Lille pour obtenir que l’Etat, ses représentants (préfecture, agence régionale de santé) ou encore la ville de Calais prennent des mesures immédiates et drastiques sur ce campement.

48 heures pour fixer une audience

Il s’agit d’une démarche juridique accélérée : le tribunal aura 48 heures pour fixer une audience et « la logique est qu’on ait une décision d’ici la fin de la semaine », a indiqué à l’AFP Me Patrice Spinosi, avocat des ONG.

Une telle démarche en justice « est une première pour Médecins du monde », a expliqué sa présidente Françoise Sivignon. Mais les conditions de vie des personnes installées dans le bidonville sont devenues « inconcevables », a-t-elle expliqué. « On voudrait que cette action puisse clairement fixer le cap aux politiques en matière de respect des droits et libertés fondamentales », a de son côté affirmé Bernard Thibaud, le secrétaire général du Secours catholique.

Les deux ONG ont choisi la voie judiciaire là où Emmaüs France avait préféré rompre le dialogue sur Calais avec le gouvernement il y a un mois, l’accusant d'« inertie malsaine ». Elles appuient leur requête sur « la violation de plusieurs droits fondamentaux » : respect de la vie, dignité humaine, droit de ne pas subir de traitements inhumains ou dégradants, accès au droit d’asile…

Obtenir le relogement des migrants

A terme, « l’objet est d’obtenir le démantèlement du camp » ainsi que le « relogement des personnes », a expliqué Me Spinosi. En attendant, « il faut que des mesures soient prises pour leur permettre de vivre dans des conditions minimales de décence. Cela veut dire résoudre les difficultés liées au développement des maladies, de la saleté, les insuffisances de points d’eau potable, le nettoyage du camp, l’augmentation considérable des bennes à ordures… »

Au ministère de l’Intérieur, on fait valoir les « moyens exceptionnels » dégagés pour faire face à cette situation, à hauteur de 44 millions d’euros, en soulignant que le dispositif évoluait « en permanence », avec notamment des mesures sanitaires annoncées vendredi et la création de 2.000 places supplémentaires en centre d’accueil (Cada).

Des sanitaires ont été installés permettant la prise de 600 douches et « plus de 2.000 repas sont servis par jour » au centre d’accueil de jour Jules-Ferry, ajoute-t-on de même source, en rappelant que « la réalisation de 1.500 places d’hébergement sur place est engagée ».

Rapport Toubon accablant

La requête reprend le constat sévère dressé par le Défenseur des droits Jacques Toubon, qui avait déploré « les difficultés d’accès aux droits fondamentaux des exilés » dans un rapport le 6 octobre.

« Ce rapport donne du poids à notre action, mais cela fait des mois que l’on dénonce l’urgence de la situation », a indiqué Mme Sivignon, en qualifiant de « floues, imprécises et au jour le jour » les mesures humanitaires présentées la semaine dernière par le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve (hébergement pour les femmes et les enfants porté à 400 places, en plus d’un volet sécuritaire prévoyant 460 CRS et gendarmes supplémentaires).

L’action des ONG, appuyée par Amnesty International, la Cimade et la Ligue des droits de l’homme notamment, intervient quelques jours après que 800 intellectuels, artistes et militants ont signé un appel à « un large plan d’urgence » pour la « Jungle » de Calais. Celle-ci s’est formée à proximité de la rocade portuaire de Calais depuis le début de l'année, à la suite de la volonté de la mairie de déplacer les migrants du centre-ville.