ETHIQUEHôpital et religion: Bientôt un guide pratique pour résoudre les conflits

Hôpital et religion: Bientôt un guide pratique pour résoudre les conflits

ETHIQUEPour aider les personnels hospitaliers confrontés à des cas mettant en cause le principe de laïcité, le ministère de la Santé devrait lancer un guide de bonnes pratiques dès 2016…
Romain Scotto

Romain Scotto

Des patientes qui refusent l’entrée d’un homme dans leur chambre. Des femmes qui souhaitent accoucher en burqa en dépit des règles d’hygiènes de base. D’autres refusant de tirer leur lait le jour du shabbat. Des malades catholiques refusant les traitements analgésiques. Ou des témoins de Jéhovah s’opposant à toute transfusion sanguine. A croire les infirmiers, réunis en salon la semaine dernière à la Porte de Versailles, la liste des cas de refus de soins pour des questions religieuses est aussi longue qu’un couloir d’hôpital.

La loi du 4 mars 2002 relative aux droits du malade encadre bien le sujet aujourd’hui, mais selon les personnels hospitaliers, le dialogue et la règle du cas par cas restent les principaux leviers de résolution des conflits. « On essaye de dialoguer avec les patients. Les écouter pour leur proposer la solution idéale », témoigne Sandrine*, infirmière dans un établissement public parisien. Mais qui dit dialogue, dit temps. Et les infirmiers en manquent déjà cruellement.

« Plus d’amalgames, plus de crispations, plus de difficultés »

« Il n’y a pas de chiffre sur le sujet mais les histoires remontent beaucoup plus vers nous aujourd’hui », témoigne Nicolas Cadene, rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité, bien conscient du problème. Ce proche du Premier ministre évoque « un contexte international qui n’aide pas, un climat un peu plus tendu, plus d’amalgames, plus de crispations, plus de difficultés. »

Pour résoudre ces cas pratiques mettant à mal le principe de laïcité, l’une des solutions évoquées reste une information plus poussée. Les personnels, comme les patients ne sont pas toujours au courant de la législation en vigueur. Un projet de guide sur la laïcité à l’hôpital public est donc dans les cartons du côté de l’Observatoire et du Ministère de la Santé. Il devrait être diffusé dès janvier 2016. L’idée est d’apaiser le climat, aider à résoudre les conflits naissants, « rappeler quels sont les droits et devoirs du patient et permettre aux praticiens de répondre aux questions tout en évitant les erreurs. »

Pas le temps de lire les textes

Dans le cadre actuel, les infirmiers peuvent faire appel au comité des relations extérieures ou à un comité d’éthique en cas de problème. « L’hôpital est déjà bardé de textes et on ne s’en sert pas tellement, poursuit Sandrine. On n’a pas le temps de les lire. Encore une fois, ce qu’il faut, c’est du temps pour discuter. On arrive mieux à résoudre ce type de conflits que les engueulades entre deux patients concernant le choix de la chaîne de télé dans la chambre. » A ce sujet, toujours pas l’ombre d’une circulaire ministérielle à l’horizon.

L’avis des spécialistes :

Pr. Jean-Claude Ameisen président du comité consultatif national d’éthique : « Aujourd’hui toute personne a le droit de refuser un traitement à condition qu’elle soit correctement informée et dans un état de liberté, sans que s’exerce sur elle une coercition. Elle doit avoir l’infirmation. On ne peut pas faire le bien d’une personne contre ce qu’elle estime essentiel. On trouve bizarre qu’une personne refuse un traitement pour des raisons religieuses, mais on ne trouve pas bizarre qu’une personne décide d’arrêter une chimiothérapie. On respecte son droit. Il ne s’agit pas seulement de refuser ou d’accepter. Il s’agit de voir si on peut construire à deux la démarche que la personne souhaite avoir. Ça demande du dialogue, du temps. Il faut tenir compte de la dimension culturelle, spirituelle et religieuse comme les autres dimensions fondamentales de la personne. »

Pr. Sadek Beloucif, médecin hospitalier, membre du haut conseil à l’intégration. « Sur ce sujet, la question de l’urgence est importante. En tant que malade, je peux avoir, hors du cadre de l’urgence, mes propres préférences. Lorsque je me lèverai cinq fois par nuit pour faire pipi et que je devrai faire un check-up de la prostate, peut-être que j’irai plutôt voir un urologue qu’une urologue parce que je suis bêtement sexiste. J’ai le libre choix de mon praticien. Mais si mon problème de prostate a duré top longtemps et que j’arrive en rétention aiguë d’urine et qu’au bout de la sonde urinaire salvatrice il y a une urologue, je m’en contrefiche. »

*Le prénom a été changé