Crise des migrants: Quatre idées reçues sur les réfugiés
MIGRATION•« 20 Minutes » passe en revue les principaux clichés qui circulent sur les demandeurs d’asile…Céline Boff
Les images de ces milliers de personnes tentant par tous les moyens de rejoindre l’Europe émeuvent ou inquiètent. Alors que les dirigeants européens se retrouvent ce mercredi soir à Bruxelles pour tenter de régler cette crise, 20 Minutes fait le point sur les principaux clichés qui circulent en France sur les demandeurs d’asile fuyant la guerre ou la dictature.
Idée reçue n°1 : Ils vont envahir la France
En 2015 comme en 2014, la France recevra 65.000 demandeurs d’asile. Soit 980 personnes pour un million d’habitants. Proportionnellement, la France se classe à la 17e place européenne, derrière des pays comme la Suisse, la Belgique ou le Luxembourg. Sans compter que ces demandeurs d’asile ne deviendront pas tous des réfugiés, donc des migrants légaux. En 2014, moins de 22 % ont obtenu leur statut – la moyenne européenne est de 45 %. Surtout, si François Hollande s’est engagé à accueillir 33.000 réfugiés de plus en deux ans, « les migrants ne veulent pas venir en France, un pays plombé par le chômage, dont ils ne parlent pas la langue et où vivent peu de leurs compatriotes », résume Maryse Tripier, professeur de sociologie à l’Université Paris Diderot. Il y a deux semaines, les employés de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) ont eu toute la peine du monde à convaincre 600 migrants de venir en France, alors qu’ils devaient en attirer un millier pour respecter l’engagement présidentiel.
Idée reçue n°2 : Ils viennent chercher les généreuses prestations sociales de la France
« Les migrants cherchent à rejoindre la Suède ou l’Allemagne, où les prestations sociales sont équivalentes à celles proposées par la France, mais aussi le Royaume-Uni, où ces prestations sont très faibles. Cela prouve que l’effet d’attraction des prestations est mineur », argue Hillel Rapoport, professeur de sciences économiques à l’Université Paris 1. En outre, « tant qu’ils n’ont pas le statut de réfugié, accordé en moyenne au terme de neuf mois, les demandeurs d’asile n’ont pas accès aux mêmes prestations sociales que les nationaux et ils n’ont pas non plus le droit de travailler », rappelle Olivier Clochard, chercheur au CNRS. Pendant cette période, ils doivent vivre avec 91 euros par mois s’ils sont hébergés dans un centre ou 343 euros s’ils n’ont pas d’hébergement. C’est moins que le RSA (524 euros pour une personne seule) ou que le minimum vieillesse (800 euros). Enfin, lorsqu’ils deviennent des réfugiés, donc des migrants légaux en droit de travailler, « les études prouvent qu’ils rapportent davantage qu’ils ne coûtent à la sécurité sociale », complète l’anthropologue Michel Agier.
Idée reçue n°3 : Ils viennent prendre nos emplois
« L’arrivée des migrants peut faire souffrir seulement les personnes les plus immédiatement substituables, c’est-à-dire les immigrés des générations précédentes et les natifs les moins qualifiés », avance Hillel Rapoport. Soit exactement les personnes concernées par le chômage de masse, puisque le taux de chômage des ouvriers non qualifiés atteint les 20 %. Reste « qu’il faut une hausse de 10 % de la force de travail pour engendrer une baisse de 3 % du taux d’emploi des moins qualifiés », précise Hillel Rapoport. Autrement dit, il faudrait que la France accueille 300.000 réfugiés pour que l’impact soit mesurable, alors que moins de 15.000 migrants obtiennent le statut de réfugié, et donc le droit de travailler, chaque année.
Idée reçue n°4 : Ils n’ont qu’à migrer vers les pays « musulmans »
Ils le font : sur les 4,3 millions de Syriens qui ont fui leur pays depuis 2011, seuls 270.000, soit à peine plus de 6 %, ont rejoint l’Europe. Les 94 % restants se sont réfugiés en Turquie (1,8 million de personnes), au Liban (1,2 million), en Jordanie (630.000), en Egypte (130.000), en Afrique du Nord (24.000)… et même en Irak (250.000). En revanche, ils ne vont pas dans les riches pays du Golfe, qui leur ferment leurs portes, par crainte de les voir importer chez eux leurs envies de libertés, de droits et de justice sociale. De toute façon, les Syriens ne veulent pas rejoindre des pays « où les travailleurs émigrés sont extrêmement mal traités », rappelle Maryse Tripier, et « s’ils fuient une dictature, ce n’est pas pour rejoindre un autre régime autoritaire… Ils aspirent à vivre dans une démocratie », insiste Olivier Clochard. C’était d’ailleurs pour cet idéal qu’ils s'étaient battus en 2011.