SURETEVIDEO. Attaque du Thalys: Comment renforcer la sécurité sans discriminer?

VIDEO. Attaque du Thalys: Comment renforcer la sécurité sans discriminer?

SURETELes propos du secrétaire d’Etat aux Transports ont relancé la polémique sur le contrôle au faciès…
Oihana Gabriel et Nicolas Beunaiche

Oihana Gabriel et Nicolas Beunaiche

Phrase malheureuse ou courageuse ? Après l’attentat déjoué dans le Thalys vendredi, ce lundi le secrétaire d’Etat aux Transports a lancé un début de polémique. Alors que certains spécialistes de la sécurité prônent des « contrôles discriminatoires », Alain Vidalies a estimé au micro d’Europe 1 : « A chaque fois qu’on parle de fouille aléatoire, quelqu’un dit " oui mais ça risque d’être discriminatoire" . Eh bien écoutez, moi je préfère qu’on discrimine, effectivement, pour être efficace, plutôt que de rester spectateur. »



Discriminer ou stigmatiser

« Le secrétaire d’Etat va dans le bon sens », applaudit Christophe Naudin, criminologue spécialiste en sûreté aérienne et criminalité identitaire. Lui prône des contrôles aléatoires et discriminatoires. « C’est plus efficace de cibler certaines personnes et leurs bagages. On a voulu une solution pseudo-égalitaire. Mais un enfant ou une personne âgée, à quoi ça sert de les contrôler ? » Ce spécialiste regrette la confusion entre discrimination et stigmatisation. « Stigmatiser, c’est bloquer une personne parce qu’elle porte une djellaba, c’est inacceptable. Mais discriminer, c’est trier en fonction d’un certain nombre de paramètres. Par exemple, un homme entre 18 et 40 ans qui porte un sac à dos et qui vient d’acheter son billet en espèces est plus suspect que d’autres passagers. Mais le patronyme n’est pas un paramètre intéressant : il y a des convertis qui sont de dangereux islamistes. »

Comment éviter le contrôle au faciès ?

Pourtant, la position d’Alain Vidalies en a ému plus d’un. En effet, sur quels critères ces agents pourraient bloquer un passager ? Alain Vidalies a reconnu que des contrôles au faciès peuvent exister. Mais il compte sur le « travail de policier » « de formation » pour les éviter.

Entre dérision et appel à la responsabilité, ces propos ont enflammé la twittosphère.

« Reculer sur les droits des citoyens, accepter les dicriminations et les divisions, c’est ce que cherchent les terroristes : ne pas céder ! — François Lamy (@lamy_f) August 24, 2015 »

« Attention à toi, ô musulman d’apparence, si tu souhaites "Rabbi Yhafdek" au téléphone dans le train. #Combo #DiscrimineCommeAlainVidalies — Sihame Assbague (@s_assbague) August 24, 2015 »

Une mesure efficace ?

Pour Nathalie Goulet, sénatrice UDI et présidente de la Commission d’enquête sur l’organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe, loin d’être efficaces, ces contrôles discriminatoires pourraient être contre-productifs : « La discrimination crée de l’humiliation et donc de la radicalisation. »

Pour Olivier Renaudie, professeur de droit public à l’université de Lorraine et spécialiste de la sécurité, il est ici question de « terminologie maladroite » plutôt que d’une volte-face du gouvernement. « Prôner des contrôles discriminatoires serait illégal. Sauf à modifier deux textes législatifs qui régissent les contrôles d’identité et des bagages : le code de sécurité intérieure et le code de procédure pénale. Ce qui n’est pas d’actualité. Aujourd’hui, il faut un bon motif pour contrôler et donc ce ne peut être en fonction d’un patronyme ou de la couleur de peau. »

Le secrétaire d’Etat a d’ailleurs nuancé son propos sur Twitter, assurant qu’il « n’a bien entendu jamais été question de prôner la moindre méthode discriminatoire ».

« Renforcement des contrôles aléatoires : il n’a jamais été question de prôner la moindre méthode discriminatoire. pic.twitter.com/VfZx6d6Jyw — Alain Vidalies (@AVidalies) August 24, 2015 »

L’Etat condamné pour cinq cas de contrôle au faciès

Prudence donc. D’autant qu’en juin 2015, la Cour d’appel de Paris a condamné l’État pour « faute lourde » dans cinq cas de contrôle au faciès jugés discriminatoires. Une première qui pourrait se répéter.

« On ne peut pas croire que le gouvernement prônerait des contrôles discriminatoires quand bien même la raison d’état le recommanderait, tranche Olivier Renaudie. Après les débats juridico-ethiques sur la loi sur le renseignement, voici une nouvelle illustration de la difficile articulation entre lutte contre le terrorisme et défense des libertés individuelles. »