La une anti-féministe de «Causeur»: «C'est le monde à l'envers et c'est faux»
POLEMIQUE•Le magazine consacre son numéro d'été à un dossier antiféministe qui suscite polémique et vives critiques...Anissa Boumediene
«La terreur féministe. » Gare à vous, « elles vous ont à l’œil », avertit Causeur. Sorti ce mercredi en kiosque, le dernier numéro du mensuel, habitué à flirter avec la polémique, consacre sa une et un large dossier « au néoféminisme débridé qui, de manifestes vengeurs en pénalisation des dragueurs, semble avoir pour projet d’abolir toute différence et de punir les hommes coupables de pulsions sexuelles ».
Le terrorisme féministe
En une, une caricature à gros traits d’une femme au foyer des années 1950, armée d’une tronçonneuse, incarne ce qui serait le nouveau terrorisme féministe. « Ce n’est pas un thème nouveau. Cette rhétorique récurrente de l’antiféminisme, qui s’appuie sur une logique d’inversion des rapports de domination, est au moins aussi vieille que le féminisme lui-même, voire plus », assure Eric Fassin, sociologue spécialiste des rapports entre les sexes. « Les Américains ont appelé cela les "feminazi" », précise-t-il.
Si on en croit Causeur, le féminisme serait donc la grande menace qui gronde. « C’est frappant de voir comme certains aujourd’hui considèrent que la principale menace pour la démocratie, c’est le féminisme. Pas la tyrannie financière, la terreur raciste ou le risque de voir le Front national au pouvoir, mais le féminisme. C’est un choix : parler de ce sujet permet d’éluder les autres. C’est une manière d’alimenter une réaction masculiniste. "Le dragueur" a d’ailleurs été un objet d’analyse pour Alain Soral et le masculinisme est l’un des pilliers du discours d’extrême droite », décrypte le sociologue.
Un masculinisme victimaire
« Elles vous ont à l’œil », met en garde la couverture. « Ce "vous" dessine un portrait-robot du lecteur qui serait un homme. Il y a ici le fantasme de s’adresser à un public masculin qui n’aurait plus le droit de dire ou faire ce qu’il veut. C’est du Eric Zemmour dans le texte, cela rejoint son pamphlet antiféministe, Le premier sexe », poursuit Eric Fassin.
Pourtant selon Causeur, ce sont les femmes, notamment « des journalistes politiques de sexe faible », qui se victimisent et « hurlent au sexisme parce que des hommes politiques les invitent à dîner ou louchent sur leur décolleté, autrement dit parce qu’on les désire – quel calvaire ! », ironise le magazine, qui en remet une couche sur Twitter.
« [SONDAGE] Pour vous, le néo-#féminisme actuel est-il émancipateur ou liberticide ? https ://t.co/Qtp98ypdXT — Causeur (@causeur) 8 Juillet 2015 »
« Dénoncer la posture victimaire des femmes sert en réalité à dire que les vraies victimes sont les dominants, en l’occurrence les hommes, comme s’ils n’avaient plus la parole, c’est du masculinisme victimaire. C’est le monde à l’envers et c’est faux. Les femmes sont plus nombreuses que les hommes à souffrir de violences : ce n’est pas de la victimisation, mais un combat contre la domination », répond le sociologue.
Presse féminine et féministes vent debout
Face à cette une provocatrice, la presse féminine, « bras armé de la terreur que font régner les féministes » et les associations ne s’en laissent pas conter. Causette, le féminin qui n’a rien à voir avec Causeur, fait savoir sur son profil Facebook sa façon de penser au « canard conservato-polémico-provocateur terrorisé par les méchantes féministes ».
Je sors de ma torpeur estivale pour vous montrer le dernier numéro que vient de commettre l’inénarrable magazine…
Posted by Causette on mercredi 8 juillet 2015
Je sors de ma torpeur estivale pour vous montrer le dernier numéro que vient de commettre l’inénarrable magazine…
Posted by Causette on mercredi 8 juillet 2015
Je sors de ma torpeur estivale pour vous montrer le dernier numéro que vient de commettre l’inénarrable magazine…
Posted by Causette on mercredi 8 juillet 2015
Idem chez Les effronté-e-s, où on est « scandalisées » : « Nous devons souvent affronter le déni choquant de notre situation qu’illustrent pourtant les inégalités salariales, les viols, les violences conjugales jusqu’au féminicide, déclare-t-on dans les rangs de l’association féministe. Mais aller jusqu’à faire de celles qui s’élèvent contre cet état de fait les coupables, et des dominants leurs victimes, est parfaitement abject ».