Comment j'ai voulu faire du base-jump dans Paris (et pourquoi j'ai abandonné)
SENSATION•Non, ça n'est pas pour les néophytes...Romain Baheux
La vidéo dure un peu plus de deux minutes. Deux hommes filent vers le sommet de la tour Incity à Lyon, actuellement en chantier. 200 mètres plus haut, ils sautent, déploient leur parachute avant d’atterrir tranquillement en plein milieu de la rue. Je savais à peu près à quoi m’attendre grâce au titre de la vidéo, mise en ligne en avril, mais je reste baba devant mon ordinateur. J’ai beau être assez flippé par le vide, en témoigne mon piètre 6/20 en escalade au lycée, je ne détourne pas le regard. Et je m’imagine à leur place. Voir se rapprocher le sol à grande vitesse, les immeubles défilant sur le côté, avant de me poser comme une fleur… Le shoot d’adrénaline énorme. Le truc à faire une fois dans sa vie.
Oui, je vais me lancer dans le base-jump à Paris. D’abord, petit détour par Internet pour vous éclairer. En gros, c’est du parachutisme mais pas depuis un avion. B.A.S.E est un acronyme des termes anglais « Buildings » (immeubles), « Antennas » (antennes), « Spans » (Ponts) et « Earth » (littéralement la Terre mais dans les faits, des falaises). Bref, vous trouvez un endroit assez haut pour avoir le temps de sortir la voile et vous vous élancez. « Mon premier saut, je l’ai fait depuis une antenne en Belgique puis je suis passé à du pont en France, m’explique mon guide dans l’univers des "baseux", David Laffargue. La progression naturelle, c’est le pont où tu as une plus grosse marge de sécurité, puis tu te testes sur de la falaise et après tu vas sur des spots plus difficiles », m’explique David.
Le profane que je suis est impatient. Tout d’abord, me renseigner sur le prix du matériel. La voile et le sac ? « Il faut compter environ 3.000 euros », m’indique un revendeur spécialisé. Pas un petit investissement. Le base-jump en ville ? Illégal même si la préfecture de police de Paris m’indique que le phénomène est « marginal ». « Ça dépend les endroits où tu te fais prendre, ça dépend de la manière dont tu te comportes, raconte David Laffargue. Si tu es sympa et poli, les policiers te relâchent rapidement le plus souvent. »
Bon, me voilà briefé. Maintenant, me renseigner auprès de la communauté pour connaître les meilleurs spots. Après m’être inscrit sur un forum de référence, je viens benoîtement, sous l’identité d’un parachutiste débutant, demander les immeubles les plus sympas pour me jeter dans le vide dans la capitale. « De manière générale, il n’est pas très recommandé de poster ce genre d’infos en public sur le forum », me répond l’un des administrateurs avant de me parler de la Tour Eiffel.
« Tu ne sais pas à qui tu as affaire sur le forum quand un nouveau arrive, poursuit mon guide. Ça peut être un ado de 17 ans en pleine crise de testostérone. »
De fait, on ne lâche pas les plans au premier pinpin désireux de booster son quotidien. YouTube contient d’ailleurs assez peu de vestiges des exploits des "baseux" par rapport au nombre de sauts. « C’est assez mal vu de mettre des vidéos sur Internet, confirme David Laffargue. La règle c’est de ne laisser que des traces de pas, éviter de griller des spots pour les suivants. » Pour le grand saut, la Tour Eiffel demeure un must. La Tour Montparnasse ? Très convoitée avant que l’accès ne devienne trop compliqué.
Au fait, oubliez le cliché du trompe-la-mort inconscient. Le saut en ville demande autant de planification que l’opération Overlord. « L’environnement est "hostile", il faut se poser entre des voitures et des câbles électriques. Il faut qu’il n’y ait pas de vent, les conditions doivent être parfaites, glisse David. Tu as un plan A, un plan B, un plan C. On le fait la nuit, tu repères les cycles des feux rouges, tu les chronomètres pour savoir à quel moment sauter pour éviter les voitures. » Ah oui, c’est quand même compliqué. Tout bien réfléchi, se jeter en parachute en pleine ville ne s’improvise – bizarrement- pas. Allez, je me relance une autre vidéo.