SANTELa lutte contre la valorisation de l'anorexie est-elle efficace?

La lutte contre la valorisation de l'anorexie est-elle efficace?

SANTEL'Assemblée nationale s'en est pris à la valorisation de l'anorexie...
Thibaut Le Gal

Thibaut Le Gal

Les députés mènent la charge contre la valorisation de l'anorexie. Cette maladie toucherait entre 30.000 et 40.000 personnes en France. «Ce sont principalement des adolescentes et des jeunes adultes», indique Nathalie Godart, pédopsychiatre pour adolescents au Service de psychiatrie de l'adolescent et du jeune adulte de l’Institut Mutualiste Montsouris.

La vice-présidente de l'AFDAS-TCA (Association Française pour le Développement des Approches Spécialisées sur les Troubles du Comportement Alimentaire) tient à rappeler que «les TCA recouvrent d’autres pathologies [boulimie, orthorexie] et touchent plus de 600.000 personnes».

«Si elles revendiquent un état de maigreur, c’est parce qu’elles sont dans le déni»

L’anorexie mentale est l’une des pathologies psychiatriques ayant la plus forte mortalité. Pour y faire face, l'Assemblée a créé, dans la nuit de mercredi à jeudi, le délit de l'incitation à la maigreur excessive, visant notamment les sites et blogs pro-ana. Une infraction punissable d'un an de prison et de 10.000 euros d'amende.

«Ces sites sont souvent portés par des personnes elles-mêmes prises dans la maladie. Plutôt que de les punir en les pénalisant, il serait plus utile de les aider à se soigner», assure Nathalie Godart. «Si elles revendiquent un état de maigreur, c’est parce qu’elles sont dans le déni, cela fait partie de leur maladie. Elles ne reconnaissent pas leur état et se retrouvent à défendre l’idée que ces troubles font partie d’elles-mêmes», développe-t-elle.

«Les sortir de la solitude»

Paradoxalement, ces sites n’auraient pas qu’un aspect négatif. «Ils peuvent avoir un effet de sociabilisation, et permettre aux jeunes filles de sortir de la solitude pour les amener au soin», ajoute la psychiatre, qui dit s’appuyer notamment sur les travaux d’Antonio Casilli.

Le sociologue, qui a participé au rapport Les jeunes et le Web des troubles alimentaires, ajoute dans L’Express que ces sites sont «des lieux de parole extrêmement complexes, certes, mais où les anorexiques trouvent pour la plupart une certaine forme de soutien, et même d'orientation médicale», précisant qu’à l'aide de discussions avec d'autres malades, on observe qu'elles sont finalement aiguillées vers le spécialiste qui leur convient le mieux».

L'incitation à la maigreur, «pas un facteur fondamental»

Vendredi, un amendement au projet de loi sur la Santé a également interdit l'emploi de mannequins trop maigres, en limitant l'indice de masse corporelle à des niveaux définis sur proposition de la Haute Autorité de santé. «Aider les mannequins à se protéger d’une obligation de maigreur excessive est une chose importante», indique Nathalie Godart.

«Mais l’incitation à la maigreur excessive n’est pas un facteur fondamental chez les victimes d’anorexie», indique-t-elle. «Si on pense que cela va permettre de diminuer les troubles, c’est une erreur.» La psychiatre souhaite plutôt «un développement d’une filière de soins plus structurée, voire d’un plan contre les TCA comme cela a été le cas pour lutter contre l’autisme ou l’obésité».