SANTEJournée mondiale de l’autisme: «On m’a dit "vous êtes responsables de l’autisme de votre fils, vous l'aimez trop"»

Journée mondiale de l’autisme: «On m’a dit "vous êtes responsables de l’autisme de votre fils, vous l'aimez trop"»

SANTEAnne-Sophie Ferry, mère de Tristan, autiste, témoigne sur son combat pour sauver son fils...
Thibaut Le Gal

Propos recueillis par Thibaut Le Gal

8.000 enfants autistes naissent chaque année en France. Face à la maladie, les parents sont souvent contraints à de lourds sacrifices. C’est le cas d’Anne-Sophie Ferry, mère de Tristan, 13 ans. Dans Le Royaume de Tristan: Guide de survie d’une maman face à l’autisme qui sort 9 avril aux éditions Michalon, elle raconte son combat contre le handicap et les institutions. A l'occasion de la journée mondiale de l'autisme, jeudi 2 avril, 20 Minutes l'a interrogée.

Quels ont été les premiers signes de la maladie?

Je m’étais beaucoup occupé d’enfants pour payer mes études. A un an et demi, quelques signes m'ont alertée: Tristan ne donnait pas la main, ne réagissait pas, s’opposait à tout. A deux ans, il courait cinq kilomètres par jour, les voisins l’appelaient Forrest Gump. Il commençait à lancer sa nourriture sur les murs, renverser sa boisson, casser les assiettes, ne pouvait jamais rester assis. J’étais très inquiète. J’en parlais aux médecins, aux psys, on me répondait: «tu angoisses pour rien».

Qu’est ce qui était le plus difficile…?

Le traumatisme sonore. Des cris stridents, aigus, toute la journée. La nuit, je dormais avec des boules Quies et un casque musical pour couvrir le son. Il ne supportait pas d’aller se coucher, le noir, être loin de moi. Mais le regard des gens était encore pire. On me traînait dans la boue, j’étais le loup blanc, «celle qui est incapable d’élever son fils».

Vous êtes-vous sentie responsable?

On m’a vite poussée à consulter un psychanalyste. Je leur ai fait confiance. Ça a été une descente aux enfers. On me poussait à vider mon sac, disséquait ma vie, mon enfance, mon couple. J’étais très isolée, donc heureuse que quelqu’un m’écoute. Lentement je me suis fait prendre dans les filets: On m’a dit «Madame, c’est vous. Vous êtes responsables de l’autisme de votre fils. Vous l’aimez trop». Ils ont inventé ce terme de psychose fusionnelle. Il fallait couper Tristan de tout lien affectif. A quatre ans et demi, on l’a placé dans un hôpital psychiatrique cinq jours par semaine. On me disait que c'était le seul moyen de le sauver.

Comment l’avez-vous vécu?

C’est une douleur indescriptible, comme si on m’arrachait les tripes. Il me réclamait tout le temps, c’est un enfant hypercâlin. Je n’osais plus le toucher de peur d’aggraver son état. Il était très difficile de se débarrasser de la culpabilité. Lorsqu'il revenait à la maison, il m'en voulait. Il était très violent, me mettait des coups de pied, me tirait les cheveux, cassait tout.

Et un soir, vous recevez un appel anonyme...

C'était une infirmière de l’hôpital. Elle me dit «on vous ment. Tristan va très mal, il faut le sortir d’ici». Avec mon ex-mari, on a récupéré le dossier médical. On s’est aperçu alors que Tristan se frappait la tête contre les murs, enduisait les pièces d’excréments. Son état se dégradait, et on nous faisait croire que c’était simplement chez nous qu’il se détériorait.

Comment avez-vous aidé Tristan à lutter contre l'autisme?

On l'a sorti de l'hôpital. Je me suis intéressée aux techniques comportementales (ABA, et Verbal Behavior), utilisées dans d'autres pays pour traiter les autistes. J’ai passé un diplôme à Lille, j’ai lu des tas de livres. Et j’ai commencé à les mettre en pratique.

Ces méthodes s’appuient sur les motivations de l’enfant. S’il a un goût pour les voitures, par exemple, on va l’utiliser pour l’amener vers notre monde. Je prenais Tristan sur mon dos, et je faisais du trampoline. Je lui faisais répéter le mot «sauter» avant de continuer. Il comprenait qu’il y avait un rapport entre la parole et la modification de son environnement.

Vous obtenez très vite des résultats. Comment ont réagi les «institutions»?

Quand j’évoquais ces techniques, on me répondait «vous êtes vulgaire, fasciste». On politisait les choses. En France, les autistes sont exclus de la société. La prise en charge est une vraie honte. Grâce à ces outils, Tristan a pu réapprendre tout, la lecture, le chant, monter à cheval…Ça l’a sauvé.

Quel changement dans votre relation avec Tristan?

Je suis revenue de l’enfer. J’étais complètement isolée. Je vivais avec des décibels et des excréments: une maladie qui me criait dessus. Et petit à petit, les écailles sont tombées, je voyais mon garçon apparaître. Je redécouvrais mon enfant, celui que j’avais perdu depuis l’âge de 2 ans.