Deux personnes dans le cockpit: «Une mesure pour rassurer l'opinion publique»
AERIEN•Le spécialiste de la sécurité de l'aviation Hubert Harnould réagit pour «20 Minutes» aux recommandations de l'Agence européenne de sécurité aérienne...Propos recueillis par Nicolas Bégasse
On s'y attendait, c'est fait: l'Agence européenne de la sécurité aérienne recommande ce vendredi la présence constante de deux personnes dans le cockpit des avions de ligne. Depuis jeudi et les révélations sur la destruction volontaire de son A320 par le copilote Andreas Lubitz, plusieurs compagnies avaient décidé de prendre la même décision: quand un des pilotes s'absente même brièvement, un autre membre d'équipage prend sa place dans le cockpit. L'idée est-elle réalisable, efficace? 20 Minutes a demandé son avis à chaud à Hubert Harnould, directeur de la société de conseil en sécurité aérienne Iaco.
Rendre obligatoire la présence constante de deux personnes dans le cockpit, ce sera efficace?
Ça ne me semble pas être une mesure qui permettrait d’éviter ce qu’on a eu avec ce copilote de Germanwings. Ça n’est pas un filet de sécurité suffisant pour prévenir tout risque de suicide. On peut imaginer, c’est arrivé, un pilote décidé à écraser l’appareil qui pousse le manche à fond, et le copilote -ou autre- essayer de le redresser. S’il n’a pas assez de force et que l’avion décroche, il peut descendre à 20.000 pieds/minute et s’écraser en deux minutes. Par ailleurs, décidée aussi vite, cette mesure peut créer des problèmes.
Lesquels?
S’installer en plein vol à un siège de pilote, quand on n’est pas habitué, ce n’est pas évident, on peut toucher les commandes moteurs –et je dis ça sans sous-estimer les compétences des stewards et hôtesses. A mon avis ça va demander un surplus de formation, une qualification supplémentaire, ce qui prend du temps et de l’argent –on peut penser qu’une prime pour cette nouvelle responsabilité pourra être demandée. Et puis on va demander cette présence en cockpit au chef de cabine, qui a bien d’autres choses à faire que d’être là pour l’absence du pilote, puis pour celle du copilote…
Est-ce que ça vaut le coup?
Cet accident, on en parle en continu, c’est terrible, mais c’est un cas à peu près unique, ça n’est peut-être pas nécessaire de rajouter des procédures, de compliquer le système. C’est de l’urgence pour rassurer l’opinion publique, pour le moment ça ne coûte rien et ça permet de réfléchir un peu plus à des idées de long terme.
Quelles autres solutions peut-on imaginer?
Je verrais plus, en tant qu’ingénieur, une amélioration des portes. Il faudrait mettre au point un système pour déverrouiller le cockpit de l’extérieur, avec un code qui permettrait de surpasser le verrouillage pratiqué depuis l’intérieur. Ça coûterait de l’argent, mais moins que l’installation des portes blindées après le 11-Septembre. Il y a sans doute aussi un travail à faire sur la sélection des pilotes et des personnels de bord, et sur leur suivi psychologique