ENTRETIENFessée: «La France a besoin de faire de la pédagogie, pas d’être condamnée»

Fessée: «La France a besoin de faire de la pédagogie, pas d’être condamnée»

ENTRETIENPédopsychiatre spécialisée dans l’éducation des tout-petits à Nantes (Loire-Atlantique), Nicole Garret-Gloanec revient sur la possible condamnation de la France par le Conseil de l’Europe…
Vincent Vanthighem

Vincent Vanthighem

Ce sera une punition. La France pourrait être condamnée, mercredi, par le Conseil de l’Europe pour ne pas interdire explicitement et totalement les châtiments corporels envers les enfants. C’est le moyen qu’a trouvé l’association Approach, une ONG britannique, pour faire condamner la France sur le sujet de la fessée.



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Selon cette ONG britannique, la France viole en effet un article de la Charte sociale européenne pour ne pas interdire «tous les châtiments corporels envers les enfants». Spécialisée dans l’éducation des enfants de 0 à 3 ans au sein du CHU de Nantes (Loire-Atlantique), Nicole Garret-Gloanec explique à 20 Minutes pourquoi ce débat est si épineux dans l’Hexagone.

La France est-elle le seul pays où le débat sur la fessée est le plus épineux?

Non, ce débat n’est pas une spécificité française. Je ne connais pas la situation en Espagne ou en Italie qui sont des pays comparables mais je pense que ce débat doit exister aussi là-bas. On remarque en revanche que la fessée fait moins débat dans les pays où il y a une tradition protestante [Allemagne, Pays-Bas, notamment] car le rapport au corps est beaucoup plus distant. En revanche, je remarque, lors des consultations, que les châtiments corporels sont également présents dans les pays du Maghreb ou d’Afrique.

La fessée est-elle quelque chose de culturel en France?

Il y a une photographie très ancienne en noir et blanc qui est largement utilisée dans les médias et qui fait référence à la fessée. Cela montre que ce débat est inscrit dans notre culture depuis longtemps. D’ailleurs, il suffit de relire la Comtesse de Ségur. Dans Un bon petit diable, on parle souvent de fessée. Et cela n’a pas forcément une valeur violente dans ce texte.


Coll-Devaney/SUPERSTOCK/SIPA

Entendez-vous souvent des parents dire en consultation qu’ils ont reçu des fessées étant petits et n’ont pas été traumatisés?

Non. Peu de personnes tiennent ce discours. Les gens sont souvent gênés ou traumatisés de dire cela. A moins qu’ils ne s’agissent de pro-fessées. Mais ceux-là ne viennent pas dans mon cabinet. Je reçois plutôt des parents qui ont donné une fessée pour la première fois et sont très embêtés d’en être arrivés là. Cela dépasse pour eux un point qu’ils ne voulaient jamais atteindre.

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Que leur dites-vous?

On tente d’analyser les choses. On s’interroge sur les raisons qui ont conduit à la fessée. On se rend vite compte que cela cache un autre problème lié, par exemple, au fait que le petit ne dort pas. La plupart des parents sont inquiets car ils dépassent là une barrière. On arrive ensemble à la conclusion que la fessée n’a pas d’intérêt. J’explique que c’est une impasse. Car aller dans la surenchère ne résout pas le problème de base.

La condamnation possible de la France pourrait-elle changer quelque chose?

Je ne le crois pas. Ce n’est pas parce que l’Europe va condamner la France que les pratiques vont changer dans les foyers. Notre pays a plus besoin de faire de la pédagogie et de l’éducation sur le sujet que d’une décision de justice.