Facebook, numéro d'écoute, plateforme... Comment lutter contre le harcèlement à l'école?
VIOLENCE•De nombreux outils existent pour lutter contre ce fléau, mais ils restent peu connus...Faustine Vincent
La France s’est emparée avec retard de la question du harcèlement scolaire, mais elle a fini par le faire. Cela s’est traduit notamment par la mise en place, en janvier 2012, d’un site Internet, «Agir contre le harcèlement à l’école», et par son extension sur Facebook avec une page dédiée. Tour d'horizon des outils et bilan trois ans après.
Le site lui-même, qui fourmille d’informations, enregistre encore une fréquentation modeste: 1,2 million de visiteurs depuis janvier 2012, soit 33.300 par mois en moyenne. La page Facebook, nourrie quotidiennement, compte quelque 50.000 fans, contre 30.000 il y a un an. Une belle progression, mais une popularité encore faible. Parmi ceux qui l’ont «likée», 72% sont des parents d'élèves ou des membres de la communauté éducative.
Un lever de tabou
Alice Giralté, chargée de mission à la délégation ministérielle de Prévention et de Lutte contre les violences en milieu scolaire, gère personnellement cette page. «Je ne supprime aucun commentaire mais je réponds énormément, explique-t-elle. Je reçois entre cinq et dix messages privés par jour, qui proviennent surtout des parents, en particulier les mamans, et parfois de jeunes victimes. Je leur explique comment aller chercher de l’aide». Le niveau de pression est parfois «très fort». Certains parents, impatients de régler le problème, écrivent parfois toutes les deux heures faute de réponse immédiate.
Ces outils aident à «lever le tabou», selon elle. L’entreprise Facebook, consciente que son site est l’un des lieux privilégiés du harcèlement, coopère en aidant à faire connaître plus largement la page. A l’avenir, Alice Giralté aimerait toutefois pouvoir attirer davantage de personnel de l’Education nationale. «Le harcèlement est un phénomène de société qui demande un changement de mentalité. Plus ces outils seront partagés, mieux ce sera».
Deux numéros pour «libérer la parole»
Avec sa plateforme, le gouvernement a essayé de faire simple pour aider les victimes et leurs proches, mais il reste parfois difficile de s’y retrouver. Il existe ainsi deux numéros d’écoute gérés par deux associations différentes: le 0808 807 010 (Stop harcèlement), et le 0800 200 000 (Net Ecoute) plus axé sur le cyber-harcèlement.
Mirentxu Bacquerie, présidente de l’École des Parents et des Éducateurs d'Île-de-France, qui gère le numéro Stop harcèlement, estime que la création de cette ligne d’écoute a permis de «libérer la parole». «En ce moment on entend beaucoup que personne ne fait rien, s’agace-t-elle, mais au moins maintenant un dispositif existe. Il faut le faire connaître.»
Là encore, ce sont surtout les parents qui appellent. «Ils sont souvent bouleversés, raconte Mirentxu Bacquerie. On essaye de voir s’ils peuvent contacter eux-mêmes un responsable de l’établissement scolaire afin de régler le problème. Certains ne s’en sentent pas capables, ou n’ont pas trouvé l’écho qu’ils espéraient. On transmet alors l’information au ''référent harcèlement'' [présent dans chaque académie]», qui prend contact avec les parents puis travaille sur le terrain. Pour l’enfant, «c’est un soulagement, parce qu’il sait que quelque chose va enfin être fait».
Une démarche difficile pour les victimes
Peu de victimes font la démarche spontanément. Seuls 43 élèves harcelés l’ont fait sur les 3.619 cas de harcèlement signalés sur cette ligne d’écoute en 2014. Sur ces milliers de cas, qui concernent surtout la primaire et le collège, 1.226 ont fait l’objet d’une transmission aux référents harcèlement.
Le ministère de l’Education nationale estime à 383.830 le nombre de victimes de harcèlement sévère du CE2 au lycée, et à 700.600 si l'on inclut les victimes de harcèlement modéré, tandis que 4,5% des collégiens subissent du cyberharcèlement.