Suicide des jeunes: Phare enfants-parents éclaire la prévention et écoute les appels à l'aide
REPORTAGE•Alors que la 19e édition des Journées nationales de prévention du suicide se déroule ce jeudi, «20 Minutes» s'est immergé au sein de l’association qui reçoit les messages de jeunes en détresse…Delphine Bancaud
«La vie ne vaut pas la peine d’être vécue.» Voilà le constat tragique qu’une adolescente vient d’adresser par mail à l’association Phare enfants-parents, investie depuis de vingt ans dans la prévention du suicide des jeunes. Comme chaque jour, Géraldine Chanal, psychologue et thérapeute familiale de l’association, tente de répondre avec tact à ses «bouteilles à la mer». L'équipe reçoit ainsi une dizaine de mails par jour, quelques SMS et une dizaine d’appels. Si les jeunes en détresse préfèrent généralement les confidences par écrit, qu’ils rédigent souvent la nuit, les parents inquiets pour leurs enfants privilégient plutôt le téléphone.
Ce matin, un autre mail glaçant est arrivé à l’association: «Je vais me suicider samedi», annonce une jeune fille, avant de poursuivre par un appel au secours: «Je veux être aidée, même un petit peu.» Comme toujours, Géraldine Chanal avance, avec prudence pour lui répondre. «Je tente d’abord de créer un lien de confiance et je montre que j’entends la souffrance du jeune et que je ne la minimise pas. Je me garde ensuite de donner des conseils qui peuvent être interprétés parfois comme des jugements, mais je lui montre que j’ai compris son souhait de vivre autrement», explique-t-elle.
Des SOS aux causes multiples
La psychologue pose aussi des questions à la jeune fille, pour tenter de savoir quel âge elle a, dans quelle région elle habite et si elle peut se confier à des adultes dans son entourage. «Je finis toujours mon mail par une question afin de susciter l’échange», précise-t-elle. En envoyant sa réponse, Géraldine Chanal se prépare donc à une longue chaîne de mails avec la jeune fille.
Ce matin-là, elle reçoit aussi un SOS d’une autre adolescente avec laquelle elle communique depuis plusieurs jours. Celle-ci, victime de harcèlement scolaire pendant deux ans est désormais scolarisée chez elle et a peur de se renfermer sur elle-même. «Généralement, les jeunes qui nous contactent témoignent de leur mal-être profond, dont ils n’arrivent pas à identifier la cause. Il peut trouver sa source dans une multitude de facteurs: un deuil dans l’entourage, des difficultés familiales, une hypersensibilité aux maux du monde, une situation de harcèlement…», explique-t-elle. Souvent, les jeunes font aussi état d’une absence de communication avec leurs parents: «Ces derniers n’arrivent pas à toujours à placer le curseur entre une crise d’adolescence et un mal-être profond», constate la psychologue
Des entretiens en face à face
Dans un autre mail, une jeune fille raconte qu’elle a cessé de se scarifier mais que, du coup, elle n’arrive plus à soulager sa souffrance psychique. Après plusieurs échanges, Géraldine Chanal, l’oriente vers une structure thérapeutique de sa région: «Je ne peux pas être son unique interlocuteur, car ce n’est pas suffisant. Elle a besoin de libérer sa parole en face-à-face», estime la psychologue. Tous les quinze jours, Géraldine Chanal reçoit aussi des jeunes parisiens et leur famille dans les locaux de l’association pour des entretiens dans le cadre de thérapies familiales. Des actions qui mises bout à bout aident de nombreux jeunes à s’en sortir et à leurs parents d'être mieux armés pour traverser ce passage difficile à leurs côtés. Un succès quand on sait que plus de 500 jeunes se donnent la mort chaque année, et que des dizaines de milliers font une tentative de suicide…