Intrusions sur des sites nucléaires: Vers un alourdissement des peines
PLANÈTE•L'Assemblée nationale devrait voter jeudi, sur proposition de l'UMP, la création d'un délit pénal d'intrusion dans les centrales nucléaires...Mathieu Bruckmüller
Les députés durcissent le ton. L'Assemblée nationale devrait voter jeudi, sur proposition de l'UMP, la création d'un délit pénal d'intrusion dans les centrales nucléaires, passible d'un an d'emprisonnement, pour s'opposer aux actions des militants antinucléaires dans ces lieux.
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La proposition de loi demande aussi au gouvernement un rapport sur les risques que présente le survol de ces installations par des drones. A l'exception des écologistes, les députés avaient, en commission de la défense le 28 janvier, approuvé ce texte qui rend l'intrusion dans des installations civiles «abritant des matières nucléaires» passible d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende.
Jusqu'à sept ans de prison et 100.000 euros d'amende
Ces peines seraient portées à trois ans de prison et 45.000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise en réunion ou «lorsqu'elle est précédée, accompagnée ou suivie d'un acte de dégradation». Elles sont portées à sept ans et 100.000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise avec l'usage ou la menace d'une arme.
Depuis 2007, Greenpeace a mené une douzaine d'actions dans des centrales nucléaires, et leurs auteurs sont condamnés pour «violation de domicile» à quelques mois de prison avec sursis. Ainsi, en septembre, 55 militants de l'ONG ont été condamnés à deux mois de prison avec sursis pour une action spectaculaire en mars, destinée à dénoncer «la menace posée par les centrales nucléaires vieillissantes en Europe», à la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin), la plus vieille de France, dont la fermeture a été promise par François Hollande. 17 autres ont été condamnés à quatre mois de prison avec sursis pour une brève intrusion, également en mars, dans celle de Gravelines (Nord).
«Caractère surréaliste de ces propositions» pour les écologistes
Le co-président du groupe écologiste à l'Assemblée, François de Rugy, a dénoncé mardi «le caractère complètement surréaliste de ces propositions, qui visent plutôt à montrer du doigt Greenpeace, qui avait mené des opérations de test grandeur nature de la capacité ou pas à s'introduire dans une centrale nucléaire française».
La proposition de loi «vise à faire taire les militants», alors que le rôle de «lanceur d'alerte» de Greenpeace «est primordial tant l'industrie du nucléaire pratique l'omerta sur ces questions en France depuis 60 ans», a déclaré à l'AFP Yannick Rousselet, chargé de campagne nucléaire dans cette organisation. Selon lui, «la vérité» est «que le nucléaire est une énergie fondamentalement dangereuse et qu'aucun dispositif sécuritaire ne pourra protéger à 100% une installation nucléaire contre une personne mal intentionnée».
Mais, pour l'auteur de la proposition de loi, le député UMP Claude de Ganay, maire de Dampierre-en-Burly (Loiret) où est implantée une centrale nucléaire, «ces intrusions présentent un risque pour les salariés de ces centrales nucléaires, pour les gendarmes mais aussi pour les militants eux-mêmes». Initialement, la proposition de loi autorisait les militaires à faire plus facilement usage de la force armée en cas d'intrusion, mais la commission a remplacé cette disposition par la création du délit pénal.
La commission a également adopté un amendement demandant au gouvernement de remettre au Parlement un rapport «évaluant les risques et menaces que constituent les survols illégaux d'aéronefs télépilotés». Les députés s'inquiètent de la multiplication des survols des sites sensibles, et particulièrement nucléaires, par des drones : une vingtaine depuis octobre, sans que l'on trouve le mobile et les auteurs de ces actions.
Ce rapport présentera également les «solutions techniques et capacitaires envisageables afin d'améliorer la détection et la neutralisation de ces appareils, ainsi que les adaptations juridiques nécessaires afin de réprimer de telles infractions».