Sécurité routière: «Interdire le kit se justifie mais ne règle pas tous les troubles de l’attention»
INTERVIEW•Jean-Yves Salaün délégué général de l’association Prévention Routière commente les mesures annoncées ce lundi par Bernard Cazeneuve pour enrayer la mortalité routière...Propos recueillis par Delphine Bancaud
Le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, a dévoilé lundi un plan pour enrayer l'augmentation du nombre de morts sur les routes. Pour Jean-Yves Salaün délégué général de l’association Prévention Routière, il va dans le bon sens.
Pensez-vous que le plan de Cazeneuve à la hauteur de la situation?
Oui, car il présente un bon équilibre entre la prévention et la répression. Il s’intéresse aussi aux usagers vulnérables, ce qui est très important. Il faudra cependant attendre l’application de ce plan pour en connaître l’efficacité.
Estimez-vous que l’abaissement du taux légal d’alcoolémie pour les conducteurs novices est une mesure discriminatoire?
Non, car il s’agit de préserver des vies. Les deux premières années qui suivent l’obtention du permis, le jeune conducteur peut être à la fois pénalisé par son inexpérience et par des situations à risques qu’il rencontre (sorties en discothèque, conduite de nuit…). Au Conseil national de la sécurité routière, notre association avait donc soutenu cette mesure. D’ailleurs, de nombreux pays européens voisins l’ont adoptée et elle a porté ses fruits. En revanche, j’estime qu’il faudrait prévoir des sanctions moins lourdes pour les jeunes qui se feront contrôler avec un taux d’alcoolémie compris entre 0,2 g/l et 0,5 g/l que pour ceux qui dépassent ce seuil.
Interdire le kit mains libres, n’est-ce pas trop sévère?
Non, c’est un nouveau pas après l’interdiction du téléphone tenu en mains et qui se justifie par l’explosion des pratiques (appels, consultation d’internet, sms, posts sur les réseaux sociaux…). Désormais tous les systèmes qui nécessitent que le conducteur manipule son téléphone à un moment seront interdits. Mais cela ne règle pas les troubles de l’attention qui peuvent être causés par l’utilisation du bluetooth.
Avec l’augmentation des radars feux rouges et des radars double face, le gouvernement ne met-il pas trop l’accent sur la voie répressive?
Non, car il n’a pas prévu d’installer davantage de radars, au nombre de 4.200 actuellement. Il va juste rénover le parc, afin de privilégier les appareils les plus sophistiqués. Les radars double face et les embarqués sont très efficaces. Et l’on sait que plus les conducteurs ont l’impression qu’ils peuvent être contrôlés, plus ils vont être attentifs à leur vitesse.
L’interdiction de stationner devant un passage clouté ne va-t-elle pas encore compliquer le quotidien des automobilistes des grandes villes qui ont déjà des difficultés à se garer?
Si, mais il s’agit d’une mesure de bon sens. On sait qu’un tiers des piétons tués en ville le sont sur un passage clouté en raison de problème de visibilité entre piétons et conducteurs. J’ajoute que cette mesure avait été expérimentée à Bourg-en-Bresse avec succès.
Le volet préventif de ce plan vous semble-t-il suffisant?
Oui, je me réjouis notamment de l’instauration de trois heures d’éducation routière au lycée dès la rentrée 2015. Car jusqu’alors la formation à la sécurité routière s’arrêtait en classe de 3eme. Or, c’est au lycée que les jeunes commencent la conduite accompagnée ou conduisent un cyclo moteur…
Quelles mesures manquent à ce plan?
La systématisation des éthylotests antidémarrage pour les personnes condamnées en raison d’une forte alcoolémie. Il n’existe pas pour l’heure suffisamment de centres d’installateurs de ces éthylotests antidémarrage. C’est ce qui bloque, mais c’est très dommage.