Attentats à Paris: Le suivi difficile des proches des victimes
SOCIETE•Les personnes ayant un lien même éloigné avec les attentats sont invitées à appeler des numéros de soutien psychologique...Céline Boff
«Je ne peux pas y croire». «Ce n’est pas vrai». «C’est un cauchemar». Les personnes chargées d’écouter les survivants des attentats et leurs proches ne cessent d’entendre ces phrases. Elles ont l’habitude: l’incrédulité est toujours la première émotion ressentie en cas de drame.
«Il n’y a jamais de haine», assure Stéphane Gicquel, de la Fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs (Fenvac) (1). Cette association suit trois des familles endeuillées. Et elle fait partie de la cellule de crise mise en place le 9 janvier dernier par le Premier ministre Manuel Valls pour venir en aide aux victimes des événements.
Passé le choc et l’incompréhension, «la précarité émotionnelle laisse très vite place à la précarité financière», poursuit Stéphane Gicquel. «Je pense à cette dame qui a perdu son conjoint et qui se retrouve seule avec deux enfants à élever…»
«Le malaise peut survenir plus tard»
Pour épauler au mieux les familles, la première mission de la cellule de crise a été d’organiser les obsèques des personnes assassinées, dont le financement a été directement couvert par le Fonds de garantie des victimes du terrorisme et d’autres infractions (FGTI, voir encadré).
En parallèle, la Fenvac cherche à recenser «les victimes au sens large de ces attentats. Ce peut être les voisins des équipes de Charlie Hebdo, les passants qui ont assisté à la prise d’otages de l’hypermarché casher…», détaille Stéphane Gicquel. «Ces personnes peuvent se sentir "bien" puis, dans trois ou dix-huit mois, ressentir soudainement un malaise. Nous devons donc établir un contact avec elles pour qu’elles ne soient pas seules face aux éventuelles difficultés à venir».
Dans la cellule de crise, il y a aussi l’Institut national d’aide aux victimes et de médiation (Inavem). Sa plateforme téléphonique (2) est joignable de 9h à 21h. «Depuis les attentats, nous avons reçu 200 appels supplémentaires», témoigne Olivia Mons.
«Les personnes qui nous contactent ont toutes un lien avec les victimes, mais il peut être très secondaire.» Comme ce coup de fil donné par l’un des patients de la psychiatre Elsa Cayat, assassinée dans les locaux de Charlie Hebdo. Ou encore par l’employeur de l’une des victimes d’Amedy Coulibaly.
Des rescapés des attentats parisiens des années 1990 appellent
L’équipe de l’Inavem contacte elle aussi certaines personnes, notamment les proches des blessées. «Les fichiers nous sont fournis par le ministère de la Justice, qui a créé ce numéro spécial en 1999», précise Olivia Mons. «Au-delà des "proches", les événements de la semaine dernière ont une résonnance particulière pour les personnes ayant déjà vécu des attentats ou des accidents. Elles nous appellent également», assure Stéphane Gicquel.
Hélène Romano, docteur en psychopathologie et référent de la cellule d’urgence médico-psychologique du Val-de-Marne, peut en témoigner. Son téléphone ne cesse de sonner depuis le 7 janvier. Au bout du fil, il y a «beaucoup de rescapés des attentats parisiens des années 1990 et de l’explosion de l’usine AZF à Toulouse. Ces personnes sont réactivées dans leur expérience antérieure de confrontation à la mort ou au deuil».
Les troubles anxieux réapparaissent: «Elles ont peur de sortir de chez elles, ne veulent pas laisser leurs enfants aller à l’école. Certaines ne mangent plus, d’autres dorment mal», détaille l’experte. Elles ne sont pas les seules à se sentir angoissées. Entre vendredi 9 et mardi 13 janvier, la vente d’anxiolytiques en France a bondi de 18,2% selon les chiffres de la société Celtipharm publiés par Le Figaro.
(1) La Fenvac est joignable au 01 77 19 00 73
(2) La plateforme est joignable au 08 842 846 37