Attaques terroristes à Paris: Coulibaly et les frères Kouachi se sont entourés de braqueurs et de dealers
LES FRERES D'ARMES (4/5)•«20 Minutes» décrypte la nébuleuse des tueurs de Charlie Hebdo, Montrouge et Vincennes...William Molinié
L'essentiel
Pour comprendre en détail le réseau des frères Kouachi et de Coulibaly, lisez notre enquête:
- Premier volet: Les auteurs
- Deuxième volet: Les endoctrineurs
- Troisième volet: Les femmes
- Cinquième volet: Les donneurs d’ordre
Une semaine après le passage à l’acte et le réveil des frères Kouachi et de leur compagnon de route, Amédy Coulibaly, on y voit un peu plus clair dans leur entourage. Plus qu’une cellule terroriste hiérarchisée avec des décideurs et des exécutants, des acteurs de premiers plans et des seconds couteaux, c’est plutôt un nuage de connexions qui lient les acteurs des actes terroristes de la semaine dernière. Dealers, braqueurs, islamistes notoires... Tous ne sont pas impliqués directement dans les attaques. Mais la plupart ont croisé leur route et les ont accompagné dans leur radicalisation.
Quatrième volet, les «frères» d’armes des auteurs des attaques…
>> Retrouvez l'infographie réalisée par 20 Minutes de cette nébuleuse à tiroirs...
Boubakeur El Hakim, alias Abou Mouqatel
Chérif Kouachi a fait la connaissance de ce djihadiste dans le cadre de la filière irakienne des Buttes Chaumont qui a été démantelée en 2004 et jugée en 2008. Boubakeur El Hakim a récemment revendiqué en décembre, dans une vidéo, l’assassinat de deux dirigeants de l’opposition laïque tunisienne en 2013: Chokri Belaïd, tué de 14 balles, et Mohamed Brahmi, assassiné avec la même arme. «Oui, c’est nous qui avons tué Belaïd et Brahimi. [...] Et je jure que nous allons revenir et tuer plusieurs d'entre vous.» Depuis le double crime, il a rejoint l’organisation de l’Etat islamique en Syrie.
Redouane El Hakim, premier Français tué
Le frère de Boubakeur est considéré comme le premier Français tué en Irak. Il est mort à l’âge de 19 ans lors de combats à Fallouja le 17 juillet 2004, sous les bombes de la coalition. Le Parisien, qui consacrait quelques mois plus tard un important article sur la famille, interrogeait Habiba, la mère des Frères El Hakim. «Il tenait les murs, comme on dit chez nous. Puis il a rencontré Allah et s’est remis dans le droit chemin.» Selon ses proches, il roulait en Opel Corsa et écoutait du rap à fond. Il fumait quelques joints et trainait tard le soir dans les rues de la capitale. Lui et son frère se sont fait remarquer par les services de renseignement lors de manifestations contre l’intervention américaine en Irak au Printemps 2003. Les agents secrets les remarquent alors en train de jeter des pierres sur des Mac Donald et des symboles américains, rapportait Libération.
Thamer Bouchnak, au cœur d’un projet d’évasion
Avec ses compères Chérif Kouachi et Mohamed El Ayouni, Thamer Bouchnak est un des anciens de la filière irakienne des Buttes Chaumont qu’on retrouve sur le projet d’évasion de Smaïn Aït Ali Belkacem, l’artificier des attentats de 1995. Lors des perquisitions au cours du coup de filet de ces islamistes radicaux, alliés de circonstances à des braqueurs, les policiers retrouvent au domicile de Bouchnak le plan d’un établissement pénitentiaire, celui de Clairvaux, la prison où est incarcérée Belkacem. L’homme s’est aussi lié d’amitié avec un autre individu interpellé, Salim Benghalem, avec qui il a fait un pèlerinage à La Mecque quelques mois auparavant.
Mohamed El Ayouni, alias Abou Walid
Il est adulé parmi les survivants de la filière irakienne des Buttes Chaumont. Mohamed El Ayouni est parti à Fallouja avec Redouane El Hakim, aux côtés duquel il se bat. Gravement blessé, sa parole est écoutée et son expérience respectée. Les enquêteurs du contre-espionnage qui l’interroge au mois de juin 2006, à son retour, recueillent son récit des événements. «J'ai constaté que j'étais plein de sang et que mon bras était arraché. Je ne voyais plus d'un œil. Je me suis relevé, j'ai reculé et deux autres moudjahidin m'ont amené en voiture dans un endroit qui ressemblait à un petit cabinet médical. J'ai alors subi une opération chirurgicale», expliquait-il dans un procès-verbal rapporté par Le Parisien.
Salim Benghalem, djihadiste recherché par les USA
Il figure parmi les dix terroristes les plus recherchés par les Etats-Unis. Le département d'État américain le décrit comme «un Français extrémiste basé en Syrie, membre de l'organisation État islamique, qui effectue des exécutions pour le compte du groupe». L’homme, âgé de 34 ans aujourd’hui, s’est enfuit en 2001 de France pour échapper à la justice après un règlement de compte sur fond de bandes rivales. Arrêté en Algérie, il est ensuite remis à la justice française qui le condamne à onze années de prison pour meurtre et tentative de meurtre. C’est à Fresnes (Val-de-Marne) qu’il se serait radicalisé, selon Le Monde, au contact de son co-détenu, Mohamed El Ayouni, qui a été blessé en Irak après y avoir été envoyé via la filière des Buttes-Chaumont, dans laquelle les frères Kouachi ont été impliqués.
A sa sortie de prison, El Ayouni lui présente Thamer Bouchnak. Ce dernier est soupçonné de préparer l'évasion de Smaïn Ait Ali Belkacem, l'artificier de l'attentat de la station RER Saint-Michel à Paris en 1995. C’est en le mettant sur écoute que les services de renseignement se rendent compte de cette liaison. Benghalem est interrogé et placé en garde à vue mais les policiers ne parviennent pas à muscler les éléments qui pourraient prouver son implication dans une association de malfaiteurs en vue de préparer des actes terroristes. Il est relâché et part en Syrie où il rejoint les rangs de Daesh.
Nacer Eddine Mettai, le «faussaire»
Dans le procès de la filière des Buttes Chaumont, Nacer Eddine Mettai a été condamné à quatre ans de prison pour avoir fourni des faux papiers aux djihadistes qui rejoignaient l’Irak. L’homme était déjà connu des services secrets. Il avait été condamné à 18 mois ferme pour sa participation à un réseau de soutien au Groupe islamique armé (GIA) en novembre 2001.
Peter Cherif, l’initiateur de Cherif Kouachi
Copain d’enfance de Chérif Kouachi, Peter Cherif est le premier à lui faire découvrir la mosquée Adda’wa (19e arrondissement) autour de laquelle va se construire la filière basée aux Buttes Chaumont d’envoi de djihadistes en Irak. Peter Chérif se rend lui-même en Irak et est arrêté le 2 décembre 2004 à Fallouja. Le djihadiste fait un tour par la prison d’Abou Graib, près de Bagdad, avant de s’échapper d’une autre prison où il a été transféré. Il décide alors de rentrer en France, via la Syrie, où il est arrêté à sa descente d'avion. Son ancienne petite amie, Barbara, interrogée par BBC News, a raconté que «petit à petit, les choses ont changé» à partir du moment où il a commencé à fréquenter la mosquée du 19e, rapportait Le Parisien. Peter Cherif a été condamné à 5 ans de prison lors du proces de la filière des Buttes Chaumont.
Mehdi Belhoucine, compagnon de fuite
Né à Bondy, originaire d’Aulnay-sous-Bois, Mehdi Belhoucine a été aperçu en compagnie d’Hayat Boumeddiene, la femme de Chérif Kouachi, lors de sa fuite en Turquie le 2 janvier dernier. Il a été identifié grâce aux papiers qu’il a présentés lors de l’embarquement.
Mohamed Belhoucine, le contact vers la zone pakistano-afghane
Le grand frère de Mehdi a été condamné aux côtés de Cherif Kouachi dans le procès en 2008 de la filière irakienne des Buttes-Chaumont. Cet ancien élève de l’école des mines d’Albi avait quitté cette prestigieuse formation au bout de deux ans. «Il n'avait pas le niveau et après avoir redoublé la première année , il a quitté l'école en juin 2009. Il a préféré se réorienter plutôt que d'attendre une décision d'exclusion inéluctable», a indiqué l'école des mines à La Dépêche.
Mohamed Belhoucine a été condamné à deux ans de prison, l’été dernier, pour sa participation à une filière qui aidait des combattants à partir en Afghanistan en 2010. Il aurait notamment été en lien avec Moez Garsallaoui, un islamiste tunisien membre d’Al-Qaïda, sans doute tué à l’automne 2012 au Pakistan, considéré par la justice antiterroriste comme le coordinateur des filières européennes dans sa zone. Selon L’Express, Garsallaoui aurait rencontré en septembre 2011 Mohamed Merah, l’auteur des tueries de Montauban, l’aidant dans sa quête de formation de combattant.