Attaques terroristes: «Les Français ne resteront pas calfeutrés chez eux»
PEUR COLLECTIVE•Pour Louis Crocq psychiatre des armées et fondateur des cellules d'urgence médico-psychologiques (qui prennent en charge les victimes d'attentats), les Français vont réapprendre à vivre avec la menace terroriste...Propos recueillis par Delphine Bancaud
La tuerie de Charlie Hebdo, l’assassinat de la jeune policière de Montrouge, la prise d’otages sanglante de la Porte de Vincennes… Tous ces drames sont susceptibles de générer une forte anxiété chez les Français qui se savent à nouveau vulnérables face au terrorisme. Mais selon Louis Crocq*, psychiatre des armées et fondateur des cellules d'urgence médico-psychologiques qui prennent en charge les victimes d'attentats, ils ne sombreront pas dans la psychose collective.
Malgré l’évocation à plusieurs reprises par le gouvernement de la menace terroriste qui planait sur l’Hexagone, les Français n’en semblaient pas vraiment conscients avant les attaques de la semaine dernière, comment l’expliquer?
Ils n’y croyaient pas vraiment. Et les déclarations des autorités sur le sujet n’ont finalement pas beaucoup porté. Ce n’est que lorsque l’imaginaire laisse place au réel que la population française comprend qu’elle court un réel danger. Les Français ont été surpris par l’horreur et ont pris conscience qu’ils étaient en guerre.
Certains Français vont-ils désormais être sur leurs gardes et limiter leurs activités par peur d’un éventuel attentat?
Lors de la vague d’attentats en 1986, de nombreux Français étaient pétrifiés par la peur. Ils évitaient les déplacements, ne fréquentaient plus les lieux de cultures et thésaurisaient des pâtes et du sucre chez eux… Mais leur réaction face aux attaques terroristes de la semaine dernière ne sera pas les mêmes. Bien sur, les Français vont de montrer vigilants et observer avec plus d’attention les colis abandonnés ou les personnes qui leur sembleront suspectes. Mais leur indignation va l’emporter face à la crainte.
C'est-à-dire?
Avec la tuerie de Charlie Hebdo, ce sont des valeurs fondamentales de la République qui ont été bafouées, comme la liberté de la presse. Et les Français ont eu une réaction spontanée d’indignation et de combat. Ils sont descendus dans la rue manifester, y compris avec leurs enfants, alors que cette manifestation n’était pas totalement sans risque. Leur peur est passée au second plan derrière leur détermination à se défendre. Le moi individuel est passé derrière le moi communautaire. Ce qui prouve qu’ils ne resteront pas calfeutrés chez eux et qu’il n’y aura pas de scènes de panique collective. La réaction des rescapés ou des proches des victimes sera bien évidemment d’être différente, car ils risquent d’être affectés par des troubles psycho-traumatiques (cauchemars, phobie de la foule, sursaut au moindre bruit…). D’où l’importance d’un suivi psychologique pour certains d’eux.
Mais comment continuer à vivre normalement après une telle tragédie nationale?
Il faut parler de cette tragédie pour évacuer ses émotions, mais ne pas sombrer dans l’obsession. Il faut essayer ensuite de prendre de la distance avec l’événement et ne pas hésiter à changer de sujet si on sent que l’angoisse monde. Enfin, il faut aussi rester rationnel et se dire qu’aucun gouvernement n’est capable d’assurer la sécurité de tous ses citoyens partout sur son territoire. Mais que la probabilité d’être victime d’un attentat pour chacun de nous est très faible.