Attaque à «Charlie Hebdo»: «Leur maniement de la kalachnikov montre qu’ils sont très entraînés»
INTERVIEW•L’expert en terrorisme Jean-Charles Brisard décrypte les premiers éléments connus...Propos recueillis par Nicolas Beunaiche
Quelques heures après l’attaque du journal Charlie Hebdo, qui a fait douze morts, selon un bilan provisoire, l’analyse des faits est encore évidemment difficile. La question de l'identité et de la motivation des auteurs de la fusillade pose notamment question. Alors que les auteurs de la tuerie sont en fuite, la seule piste mentionnée par les autorités est celle évoquée par deux témoins qui assurent les avoir entendus crier «Allahou akbar». De là à en conclure à un attentat islamiste? Jean-Charles Brisard, expert en terrorisme, appelle à la prudence.
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En France, les médias ont fait l’objet de plusieurs attaques ces dernières années. Comment l’expliquez-vous?
C’est la liberté d’expression et la démocratie qu’on attaque. Les terroristes le disent dans leur rhétorique et le montrent dans leur action. Les médias sont des cibles symboliques, au même titre que les militaires et les forces de l’ordre. L’usage revendiqué de cette liberté d’expression par les journalistes de Charlie Hebdo faisait du journal une cible potentielle. Mais toutes les attaques récentes, en Australie ou au Canada notamment, ont surtout un point commun: ce sont des attentats ciblés.
Que disent les images de l’identité des meurtriers?
Il s’agit d’individus extrêmement déterminés et lourdement armés, puisqu’ils disposaient d’armes de guerre. Ils avaient des kalachnikovs, peut-être aussi avaient-ils des ceintures d’explosifs… A leur maniement des armes, on peut voir qu’ils sont très entraînés. L’attaque de la matinée est de nature terroriste, c’est sûr. Est-elle islamiste? La piste a été évoquée par des témoins mais je me méfie des témoignages, il faut rester prudent. L’enquête déterminera les motivations des assaillants.
Y avait-il des signes annonciateurs d’une telle attaque?
La France s’attendait à une attaque depuis plusieurs mois en raison du contexte, notamment en Syrie et en Irak, où plusieurs milliers de Français radicalisés sont partis. Elle a d’ailleurs déjà été frappée à Joué-lès-Tours, en décembre. En un an, au moins cinq projets d’attentats ont par ailleurs été déjoués sur le territoire; à chaque fois, les individus étaient lourdement armés. Il est cependant difficile de se préparer à une attaque car leurs auteurs sont quasiment insaisissables et imprévisibles. Le terrorisme a changé: les réseaux structurés et hiérarchisés n’existent plus, ils ont fait place à des cellules individuelles.