VIDEO. Projet Transavia: A quoi joue le gouvernement?
SOCIAL•Le secrétaire d’Etat aux Transports a annoncé l’abandon du projet Transavia Europe, avant d’être démenti par la direction d’Air France...Nicolas Beunaiche
Le gouvernement navigue-t-il à vue dans le dossier Air France? La question se pose après le couac de ce mercredi matin, qui a vu le secrétaire d’Etat aux Transports, Alain Vidalies, annoncer l’abandon du projet Transavia Europe puis se faire contredire par la direction de la compagnie. D’abord opposé à la grève, puis interpellé par les pilotes, le gouvernement aurait-il entamé un virage à 180 degrés et finalement donné raison au mouvement? Le brouillard reste encore épais.
A sa décharge, le gouvernement met le nez dans un dossier complexe où les deux parties entretiennent des relations qui ne le sont pas moins. Longtemps proche de la direction d’Air France, le SNPL AF Alpa, le syndicat de pilotes majoritaire, semble en effet avoir entamé une mue à l’approche des élections professionnelles. «Le SNPL est sous pression de la base», observe ainsi un délégué syndical, cité par l’AFP. Le projet Transavia et la menace qu’il fait porter sur l’emploi et la rémunération des pilotes n’auraient donc fait qu’attiser les tensions.
Cacophonie aérienne
Mais le contexte ne saurait expliquer le couac de la matinée. Interrogé par RMC, Alain Vidalies a clairement déclaré que le projet Transavia Europe était «abandonné par la direction». Des propos immédiatement démentis par la compagnie, par la voix de son porte-parole: «Aucun changement dans les négociations ne permet d'affirmer que ce projet est retiré.» Une réplique appuyée par le président d’Air France, Frédéric Gagey, qui a précisé sur Europe 1 que seule «l’idée de créer maintenant des filiales» de sa compagnie low-cost avait été «retirée».
Incompréhension, incompétence, manœuvre politique? Julien Duboz, porte-parole du Spaf, le deuxième syndicat d’Air France, hésite encore. «Soit Alain Vidalies a été plus loin que la direction, soit le gouvernement est en train de lâcher Alexandre de Juniac [le PDG d’Air France-KLM]», indique-t-il à 20 Minutes. «De notre côté, nous avons eu confirmation que si nous ne trouvions pas d’accord avant la fin de l’année, le projet serait retiré. Le DRH l’a redit en réunion de négociations», clarifie-t-il.
Manuel Valls, lui, a donné raison à son secrétaire d’Etat… ou presque. «La direction a proposé d'abandonner la partie qui concerne l'Europe. Cette proposition, le ministre des Transports, Alain Vidalies [sic], l'a confirmée. Cette proposition, que je confirme, doit désormais permettre aux deux parties de trouver, dans les heures qui viennent et pas dans les jours qui viennent, dans le dialogue et le respect, la solution de sortie.» En clair, la direction n’aurait pas abandonné le projet Transavia Europe, mais proposé de le faire, et une solution devra être trouvée cette semaine, et non pas d’ici à la fin de l’année.
La grève redécolle
La direction d’Air France tiendrait-elle un double discours à ses interlocuteurs? Pour s’en assurer, il suffirait au gouvernement d’organiser une réunion tripartite pour clarifier les positions des uns et des autres. Mais pour le moment, il n’en est pas question. «Le secrétaire d’Etat aux Transports ne s’est pas investi dans le dossier. Aucun syndicat n’a été reçu. Les seules déclarations de M. Vidalies ont été pour les médias», regrette indique Julien Duboz, du Spaf.
Dans ce brouillard obscurcissant, les syndicats n’ont donc pas l’intention de cesser le mouvement, en dépit des appels répétés de Matignon. «Même si le projet Transavia Europe devait être abandonné, il ne faut pas oublier que l’autre grande revendication des syndicats porte sur le contrat unique au sein d’Air France et de Transavia France, rappelle Julien Duboz. De ce côté-là, on n’a aucune garantie.» Résultat: la grève continue ce mercredi. Le taux de déclaration des pilotes serait même au-delà de celui de lundi, qui était déjà de 65%.