Moyen-Âge: sur le chantier de Guédelon, c'est le début de la vie de château
•Le pain au levain cuit dans le four et les premières peintures murales ornent les murs: la vie de château s'organise à Guédelon (Yonne), seize ans après le début des travaux de construction de ce château fort du XIIIe siècle.© 2014 AFP
Le pain au levain cuit dans le four et les premières peintures murales ornent les murs: la vie de château s'organise à Guédelon (Yonne), seize ans après le début des travaux de construction de ce château fort du XIIIe siècle.
Cette aventure pharaonique a germé en 1997 dans la tête de Michel Guyot, propriétaire du château de Saint-Fargeau (Yonne), qui sous son enveloppe de briques roses cachait une ancienne enceinte médiévale, à une quinzaine de kilomètres de là. Un an plus tard, il décidait de lancer la mise en chantier d'un château respectant les techniques du Moyen Age à Guédelon, en collaboration avec Maryline Martin, l'actuelle directrice du site.
Aujourd'hui, dans le four de la cuisine de Guédelon, le feu de bois crépite, tandis que la cuisinière Françoise de Montmollin et sa «coquine» - son aide de cuisine - préparent une arboulastre, une tarte aux herbes typiquement médiévale.
«Il ne pouvait pas y avoir de recettes à l'époque car seuls les moines écrivaient», relate Mme de Montmollin, 66 ans, dans sa longue robe violette, les cheveux couverts d'une coiffe blanche.
Grâce à des «testaments de paysans du XIIIe siècle» où «poulets, cochons, brebis» étaient légués en abondance, cette architecte de formation a déduit que la population de l'époque mangeait «beaucoup de viande».
«Ce n'est pas vrai dans tout le Moyen-Age; au XIVe siècle, on va mourir de faim», rappelle-t-elle.
«Je suis dans une cuisine XIIIe, avec des ingrédients XIIIe, des outils de cuisine XIIIe et ça ressemble aux enluminures; vous dire si c'est exactement le goût, je ne sais pas», nuance-t-elle.
Dans un coin de la cuisine, Max, le boulanger ou plutôt le «talemelier», travaille la farine fournie depuis deux mois par le moulin à eau de Guédelon, construit au coeur de la forêt à partir de vestiges du XIIe siècle découverts dans le Jura.
«On est certain que dans le pain médiéval, il devait y avoir un peu de sable», déclare l'homme jovial de 68 ans, «et beaucoup de gens mouraient d'empoisonnement du sang à cause des abcès».
A l'intérieur du logis, les murs d'une chambre se sont parés d'un sous-bassement ocre jaune et de végétaux stylisés dans des tons orangés.
- «Raffinement» -
La peintre, Valérie, 45 ans, s'est inspirée des fresques du XIIe siècle de l'église de Moutiers à 4 kilomètres de Guédelon.
Façade, mobilier, charpente, «tout était peint à l'époque, c'était une période très colorée avec des teintes très vives, très soutenues, mais on n'est pas parti dans l'idée de peindre tout comme à l'époque parce que ce serait peut-être un peu trop pour nos yeux maintenant», dit cette ancienne décoratrice sur céramique.
De l'extérieur, le logis et deux des six tours du château, dont la tour de la chapelle, ont pris forme. Les tailleurs de pierre s'activent au côté des maçons, qui montent les éléments de construction en haut des tours grâce à des «cages à écureuil», ancêtres de la grue.
«Ca devient un chantier un peu moins +bâtiment, pierre+, on attaque la phase décoration», se félicite Maryline Martin.
Considéré comme un laboratoire à ciel ouvert, le chantier pédagogique, où travaillent 70 salariés et une vingtaine de bénévoles, attire 300.000 visiteurs par an, dont les entrées financent l'essentiel du coût des travaux.
Les artisans, forgerons, cordiers, vanniers, portent les vêtements de l'époque du règne de Saint-Louis, excepté les chaussures de sécurité, législation du XXIe siècle oblige.
Depuis l'origine de Guédelon, un comité scientifique valide chaque étape du chantier.
Pour l'aménagement des pièces du château, comme les peintures murales, Mme Martin n'est pas «encore 100% sûre de (leur) proposition». «Si il faut, on refera, on rebadigeonnera», précise-t-elle.
Pour elle, «le château en devenir, un peu comme certaines pièces de Versailles qui n'ont jamais été terminées, pousse à la réflexion permanente».
Et cela pourrait durer «encore au moins quinze ans», selon elle.