Trois policiers seront jugés pour avoir blessé un manifestant au flash-ball
•L'un des manifestants, touché au visage, avait perdu un oeil: cinq ans après les faits, trois policiers seront jugés pour avoir grièvement blessé un homme par un tir de flash-ball lors d'un manifestation à Montreuil (Seine-Saint-Denis).© 2014 AFP
L'un des manifestants, touché au visage, avait perdu un oeil: cinq ans après les faits, trois policiers seront jugés pour avoir grièvement blessé un homme par un tir de flash-ball lors d'un manifestation à Montreuil (Seine-Saint-Denis).
Les trois policiers, mis en examen en 2009, ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel de Bobigny pour «violences volontaires ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente», a appris mardi l'AFP de source judiciaire. Ils encourent dix ans de prison et 150.000 d'amende.
La victime, Joachim Gatti, âgé à l'époque de 34 ans, avait perdu un œil le 8 juillet 2009 dans des heurts avec des policiers, alors qu'il participait à une manifestation de soutien aux occupants d'une clinique désaffectée expulsés par les forces de l'ordre.
La préfecture de Seine-Saint-Denis avait dit à l'époque que les policiers avaient riposté aux projectiles des manifestants en utilisant ce pistolet à balles en caoutchouc non perforantes. Plusieurs autres personnes avaient été blessées lors l'opération policière.
«Ce procès est une très bonne nouvelle. Cela va permettre de poser enfin le débat sur l'utilisation du flash-ball par les policiers», s'est félicitée l'avocate des parties civiles, Irène Terrel, qui regrette toutefois que ce renvoi intervienne «cinq ans après les faits».
Joachim Gatti, petit-fils de l'écrivain et dramaturge Armand Gatti, avait accusé fin mars le parquet dans une lettre ouverte avec les autres victimes de «bloquer la procédure».
«Si l'on ne s'était pas battu, les choses auraient traîné, peut-être même jusqu'à la prescription», estime Me Terrel, évoquant un «parcours du combattant», dès lors qu'il s'agit de «policiers».
- De nombreuses anomalies -
«Le renvoi de trois policiers devant les tribunaux et la mise en cause de leur hiérarchie est un fait rarissime», a réagi de son côté le «collectif du 8 juillet», créé par les victimes et leurs proches.
La juge d'instruction «admet qu'il ne s'agit pas d'un acte isolé, ni d'une bavure, mais d'un cas avéré de violence en réunion», insiste-t-il. «En signalant les nombreuses anomalies qui caractérisent cette opération de maintien de l'ordre, elle révèle que la hiérarchie policière est compromise dans les violences de ce soir-là.»
Début avril, le parquet avait requis le renvoi d'un seul des trois policiers devant la cour d'assises, chargée de juger les affaires criminelles. La juge a finalement décidé de renvoyer l'ensemble des trois fonctionnaires impliqués, mais devant un tribunal correctionnel, ayant estimé que les faits constituaient un simple délit.
«Une fois de plus, il y a un grand absent, c'est l'administration, c'est l'institution police nationale», a réagi auprès de l'AFP Nicolas Comte, porte-parole Unité POLICE SGP-FO, premier syndicat des gardiens de la paix, pour qui les trois agents «servent de boucs émissaires». Selon lui, «les policiers qui sont équipés avec ces armes doivent gérer des situations extrêmement délicates, et après ils se retrouvent seuls à en assumer les conséquences».
L'incident avait à l'époque provoqué une polémique sur l'usage du flash-ball par les policiers. L'Inspection générale des services (IGS), ou «police des polices», et la commission nationale de déontologie et de la sécurité avaient jugé inapproprié cet usage lors de la manifestation.
En 2012, le tribunal correctionnel de Nantes a relaxé un policier accusé d'avoir éborgné un lycéen de 16 ans lors d'une manifestation en 2007 à Nantes, estimant qu'il «avait exécuté un ordre». En décembre 2013, l'Etat a été condamné à indemniser un jeune homme de 30 ans blessé par un tir de type «flash-ball» lors d'échauffourées sur la place de la Bastille lors de la Fête de la musique en juin 2009.