Encadrement des stages: «Si le stagiaire est un fumiste, ça m'embête de lui verser des indemnités»
VOTRE AVIS•Deux chefs d'entreprise réagissent à la proposition de loi socialiste visant à mieux encadrer les stages...Christine Laemmel
Le premier est contre, le deuxième est pour. Pierre et Maxime, tous deux à la tête d’une petite structure, ont l’habitude de prendre des stagiaires. Un à la fois, mais assez souvent. Cinq par an pour le premier mais «jamais plus de deux mois» d’affilée. Un même stagiaire pendant «les six derniers mois» pour le deuxième. Sont-ils favorables à la proposition de loi qui entend mieux protéger les stagiaires? Quelle est la place des stages dans la gestion de leur boîte? Ils témoignent.
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Il est contre: Pierre, gérant d’une entreprise de location de studios photo à Roubaix: «Je ne prendrai plus de stagiaires»
Depuis 2013 et l’entrée en vigueur de l’obligation de rémunération des stagiaires dès deux mois, Pierre est déjà plus frileux. Refusant de prendre des candidats plus de deux mois. Pour lui, le calcul est simple. «Je gère une petite structure, nous dit Pierre, il faut déjà au moins un mois pour les former. Si je dois y passer du temps et en plus les payer, je n’en prendrai plus.» Si le souhait de Génération précaire de rémunérer les stagiaires dès le premier jour n’a pas été retenu dans la proposition de loi, pour Pierre, le mal est fait. A force d’encadrer les stages, on ne risquerait que de priver certains étudiants de «goûter à l’entreprise». Seuls les «cooptés», ceux qui ont le bon réseau, ou les moyens, auront des stages, estime ce patron. «Moi, je ne prendrai plus de stagiaires», n’hésite-t-il pas à lâcher. A l’exploitation décriée par certains, Pierre répond compétence. Et à contrainte égale, ce vers quoi on tend selon lui, il préférera toujours embaucher un apprenti, «plus rapide à former et tout de suite efficace».
Il est pour: Maxime, gérant d’une entreprise de spectacles pour enfants: «J’ai déjà remboursé la moitié des frais de transport d’une stagiaire très performante»
Maxime aussi tient beaucoup à l’implication de ses recrues. Entretien, sélection au «coup de cœur», affinité marquée pour le milieu artistique, le chef d’entreprise est exigeant avec les stagiaires qu’il choisit. «J’entends trop souvent dire qu’ils se regardent dans le blanc des yeux dans les autres boîtes», raconte cet internaute. Qui évite par la même occasion «d’user de la viande fraîche». Les entreprises «vont presser un stagiaire six mois puis le dégager, juge-t-il. Un petit jeune arrive, il a faim, il y croit, mais non, à la fin on ne l’embauche jamais. Et on recommence avec un autre.» Sa logique à l’inverse: récompenser les bons éléments. «Si un jeune vaut le coup, je n’hésite pas à le payer plus», affirme Maxime. Anticipant la proposition de loi socialiste, il a par exemple déjà versé la moitié des frais de transport à une stagiaire «très performante» qui devait faire «plus de 80km de train par jour». Bientôt, la loi suivra sa pratique, quelles que soient les qualités de son poulain. Toujours partant? «Si c’est un fumiste, ça m’embête un peu plus.»