Les discriminations sur le physique progressent, malgré les apparences

Les discriminations sur le physique progressent, malgré les apparences

EXCLUSIF – La 7e édition du baromètre sur la perception des discriminations dans l’emploi, dévoilé par «20 Minutes» ce lundi, révèle le poids croissant de l’apparence physique dans la perception des discriminations...
Delphine Bancaud

Delphine Bancaud

L’habit ferait-il le moine? La 7ème édition du baromètre sur la perception des discriminations dans l’emploi* réalisé par l’Ifop pour le Défenseur des droits et l’Organisation internationale du travail (OIT) et dévoilé en avant-première ce lundi par 20 Minutes montre que l’apparence physique est de plus en plus ressentie comme un facteur de discrimination.

Selon celui-ci, 31% des salariés du privé et 29% des agents de la fonction publique estiment avoir été victimes d’une discrimination au travail, le plus souvent une fois en poste. Si les principaux critères de discriminations cités par les victimes renvoient en premier lieu au genre (29% dans le public, 31% dans le privé) et à l’origine ethnique (16% dans le public et 27% dans le privé), l’apparence physique vient ensuite (22% dans le public et 19% dans le privé). Un critère qui est en forte progression par rapport au précédent baromètre de 2012 (+9 points dans le public et +6 points dans le privé). Etre obèse est aussi de plus en plus cité comme inconvénient à l’embauche, pour 69 % des agents de la fonction publique et pour 58% des salariés du privé (soit +7 et +10 points par rapport au baromètre de 2012).

Une tendance à la hausse qu’explique Jean-François Trogrlic, directeur du bureau de l’OIT en France: «Cette référence à l’apparence physique englobe aussi la posture d’une personne, sa manière de se comporter et de s’exprimer. Or, dans une société de l’image comme la nôtre, les canons de la mode et de la beauté comptent énormément dans le lien social. A compétences égales entre deux candidats pour un poste, le DRH ou le manager auront tendance à choisir celui qui selon eux, affiche la meilleure présentation».Une réalité d’autant plus marquée, que l’apparence physique est rarement identifiée comme étant un facteur de discrimination dans les politiques de ressources humaines des entreprises, ce qui ne les incitent pas à agir sur le sujet.

Les jeunes en première ligne

Difficile cependant d’expliquer la montée en flèche de l’apparence physique comme critère de discrimination au travail chez les fonctionnaires, qui sont majoritairement recrutés sur concours. «Cela montre que ce sentiment d’être mis à l’écart en raison de son apparence intervient surtout en cours de carrière. Ce qui tend à prouver que les politiques des ressources humaines dans la fonction publique accusent un vrai retard car les critères qui permettent à un agent de progresser en interne ne sont pas assez objectifs», souligne Jean-François Trogrlic.

Les jeunes semblent les premiers à payer le tribut de cette société de l’image. Car une apparence physique non conventionnelle est considérée par les actifs comme le principal inconvénient pour l’embauche d’un jeune (à 71% pour des agents de la fonction publique et à 73% pour les salariés du privé). «Certaines entreprises obéissent encore trop souvent aux stéréotypes, en matière de politique de recrutement. Des vêtements, une coupe de cheveux ou une façon de parler peuvent surprendre le recruteur», explique Dominique Baudis, Défenseur des droits. Les tatouages, piercings, ou looks originaux semblent d’autant plus mal perçus en période de crise, lorsque les recruteurs ont le choix entre moult candidatures. «Le plus inquiétant, c’est que pour certains jeunes, la discrimination sur le physique se surajoute à celle relative à la couleur de peau ou au lieu de résidence», souligne Jean-François Trogrlic.

Pour endiguer ce phénomène, Dominique Baudis rappelle que le Défenseur des droits a «élaboré plusieurs outils à l’attention des employeurs» téléchargeables sur son site Internet, pour rationnaliser les critères de recrutement et de promotion. «Notre propos n’est jamais de stigmatiser ou d’accuser, mais au contraire de valoriser et diffuser les bonnes pratiques», ajoute-t-il. Le CV anonyme, le recrutement par simulation, les actions de sensibilisations sur la lutte contre les stéréotypes faisant partie de la boite à outils permettant de mieux combattre le poids des préjugés…


*L'enquête a été réalisée par téléphone du 25 novembre au 12 décembre auprès d'échantillons représentatifs de 501 salariés du privé et de 500 agents de la fonction publique, selon la méthode des quotas.