«Valls à l'intérieur»: Amour, réseaux et ambition... Dans les coulisses du système Valls

«Valls à l'intérieur»: Amour, réseaux et ambition... Dans les coulisses du système Valls

POLICE – Deux journalistes du «Monde» dressent dans une enquête fouillée le portrait du ministre le plus ambitieux du gouvernement Ayrault…
William Molinié

William Molinié

L’un suit la politique. L’autre la police. Deux journalistes du Monde, David Revault d’Allonnes et Laurent Borredon, sortent ce jeudi une enquête documentée sur le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls. Depuis Evry jusqu’à Beauvau, en passant par les primaires socialistes et la campagne de François Hollande, Valls à l’intérieur* dresse le portrait du «premier flic de France», ministre très ambitieux, culminant à des hauteurs stratosphériques dans les sondages mais contesté dans son propre camp, et qui ne vise qu’un seul objectif: l’Elysée.

>> Retrouvez sur 20 Minutes notre dossier sur Manuel Valls...

Sa femme, ses relations avec le Président, son équipe, les autres ministres du gouvernement, la maison police, les nominations, la frénésie des déplacements, les raisons de son ascension… L’univers Valls est passé en revue dans un «livre-vérité» sur le ministre. Savoureux dans le contexte de l'affaire Dieudonné...

Les raisons de sa nomination à l’Intérieur

François Hollande et Manuel Valls, ce n’est pas une longue histoire d’amitié, rappellent les auteurs. Les deux hommes se sont rapprochés après la primaire socialiste et lors de la campagne de 2012, au cours de laquelle le futur occupant de la place Beauvau a réussi «à se rendre indispensable» et à s’imposer dans l’entourage du Président. Dans une interview accordée le 29 juillet 2013 à l’un des deux journalistes, François Hollande en précise les contours. «Ce ne sont ni son score à la primaire, ni son ralliement qui justifiaient sa nomination dans ce ministère. C’est son attitude pendant la campagne et sa connaissance des questions de sécurité publique comme son expérience de maire d’Evry», explique-t-il.

La relation entre Valls et Hollande

Quand certains voient Valls comme le «chouchou» d’Hollande, d’autres, notamment une ministre «importante», estime qu’il a perdu de l’influence. «Le Président consulte maintenant de façon plus diversifiée et prend du recul», avance-t-elle. Si les deux hommes filent actuellement une relation harmonieuse, un proche de Valls ne sous-estime par le Président. «Hollande est tellement habile qu’il saura tuer Valls au moment où il faudra après s’être servi de lui…», explique-t-il. Les relations avec Matignon sont beaucoup plus complexes. Entre les équipes du Premier ministre et de l’Intérieur, le courant ne passe pas. Entre les deux hommes non plus.

Son équipe et les «Valls boys»

Au cœur de la Place Beauvau, rigueur et discipline sont de mise. Sa fidèle équipe rapprochée vient d’Evry (Essonne), dont il a été maire. Harold Hauzy, sa plume, responsable des relations avec la presse. Sébastien Gros, son chef de cabinet, réglé comme du papier millimétré. Et surtout Christian Gravel, son principal allié placé comme conseiller communication à l’Elysée, que certains décrivent déjà comme «l’œil de Moscou».

Gravoin et Trierweiler

A en croire des sources de leur entourage, la violoniste Anne Gravoin, la femme de Manuel Valls, et Valérie Trierweiler sont devenues les deux meilleures amies du monde. Elles vont avec leurs maris au théâtre et à des spectacles, s’organisent des dîners et passent des vacances ensemble. Un «Hollandais historique» cité par les journalistes analyse cette relation: «Valls a intelligemment piloté sa relation pendant la campagne[…]. Il a compris qu’un des problèmes de Hollande s’appelait Valérie Trierweiler, qui était souvent dépassée par les événements et qui faisait des scènes, et qu’il fallait la gérer. Donc il a détaché auprès d’elle quelqu’un à lui. Et sa femme est devenue la meilleure copine, la confidente de Valérie».

Valls et sa police de la mode

Il semblerait que ça pose problème. Le ministre fait l’objet de railleries jusque dans ses propres équipes. «Manuel n'a aucun goût vestimentaire», dit un de ses collaborateurs. Le style cravate de la même couleur que la chemise ne passe pas. Un proche relate «un ensemble hallucinant de mocheté cravate mauve et chemise mauve», «un 20 Heures avec chemise grise en satin brillant et cravate façon maquereau, grise comme un poisson» mais aussi «une photo parue dans Le Point avec chemise jaune et cravate jaune pétard en satin». Les «Valls boys» ont pourtant tenté d’en parler au ministre. Ce dernier leur a répondu: «Allez vous expliquer avec Anne!»

A l’Intérieur, Valls face à un problème d’effectifs

Les auteurs racontent comment la passation de pouvoir entre le nouveau ministre et l’équipe sortante a failli virer au psychodrame. Pas de grand chambardement ni de chasse aux sorcières. Mais plutôt une délicate mise à l’écart des éléments sensibles. Chasser discrètement les cadors de la politique sarkozyste n’a pas été une mince affaire. Et Valls s’est rapidement retrouvé en manque de remplaçants. Douze ans de droite ont fait disparaître les hauts fonctionnaires de gauche, notent les auteurs. Et pas question de placer des pions venus de l’autre équipe socialiste, celle de Rebsamen, le maire de Dijon qui se voyait déjà ministre de l’Intérieur. Valls a préféré des personnalités qui ont servi l’ancienne majorité à celles des réseaux socialistes, dits «les réseaux Joxe».

Contesté dans son propre camp

Un intime de Dominique Strauss-Kahn dépeint de façon très critique le ministre. «La ligne de conduite de Manuel n’est servie que par son ambition. Un arrivisme permanent, qui fait qu’il n’est jamais lui. A l’intérieur, c’est quand même effroyablement vide. Il aurait tout intérêt à stopper. Sa vie est un calcul. Ses amis sont des calculs. La façon dont il sourit est un calcul». Le ministre est plus populaire à l’extérieur et auprès des Français qu’au sein même de son parti.

L’inépuisable Manuel Valls?

Le style de Sarkozy n’est pas loin. Cette comparaison qui pouvait l’agacer en entrant Place Beauvau est aujourd’hui pleinement assumée, lit-on. «Il se plaint quand il ne bouge pas. Quand il a un week-end tranquille, ce qui est rarissime, il me dit : “Viens, on fait un déplacement!” Il en veut toujours plus. Une heure à ne rien faire, pour lui, est une heure perdue», raconte son chef de cabinet. Question? Est-il possible d’entretenir un tel rythme, d’occuper et de saturer autant la sphère médiatique, jusqu’à la présidentielle de 2022? A moins qu’il n’ait dans le viseur 2017…

* Valls à l'intérieur de David Revault d'Allonnes et Laurent Borredon, Robert Laffont, 273 pages, 19,50€.